Extrait du journal
. MADEMOISELLE DE CÂMARGO. n. « J'avais vingt ans. Vous savez tous, car cette aventure a été un grand scandale, vous savez comment le comte de Melun m'enleva un matin avec ma sœur Sophie. Cette petite folle, qui avait beaucoup d'i magination, m'ayant surprise lisant une lettre du comte où il parlait de son dessein, elle jura sur ses treize ans qu'il faudrait bien qu'on l'enle vât aussi. J'étais loin de croire à une pareille prétention. On se figure toujours que les enfans ne comprennent rien ; mais à l'Opéra et en amour, il n'y a pas d'enfans. Le comte de Melun avait, à force d'argent, gagné notre femme de chambre. J'étais bien coupable ; je savais tout, et je n'avais pas averti mon père", mais mon pèro m'ennuyait un peu ; il prêchait dans le désert, c'est-à-dire qu'il me prêchait la vertu. Il me parlait sans cesse de notre gentilhemmerie, de notre cousin qui était cardinal, de notre oncle qui était grand-inquisiteur. Vanité des vanités ! tout n'était que vanité,chez lui, quand, chez moi, tout,n'était qu'amour. Je me souciais bien d'être d'une famille illustre ; j'étais belle, on m'ado rait, et, ce qui vaut mieux peut-être, j'étais jeune 1 » Au milieu de la nuit, voilà que j'entends ma porte qui s'ouvre : c'était le comte de Melun ; je ne dormais pas; je l'attendais. N'est pas enlevée qui veut. J'allais être enlevée ! L'amour n'est pas seulement char mant par lui-même, il l'est encore par ses extravagances romanesques. Une passion sans aventures, c'est une maîtresse sans caprices. J'étais as sise sur mon lit. —Est-ce toi, Jacqueline? dis-je, en jouant l'effroi.— C'est moi, dit le comte, en tombant à genoux. — Vous! Monsieur ! Vo tre lettre n'était donc pas un jeu ? — Mes chevaux sont à deux pas ; il n'y a pas de temps à. perdre ; quittez celte triste prison ; mon hôtel, ma fortune, mon cœur, tout cela est à vous ! A cet instant, une lumière brilla à la porte ! — Mon père ! m'écriai-je avec terreur, en me cachant dans mes rideaux. — Tout est perdu! murmuràlecomte. C'était Sophie. Je la reconnus bientôt à son pied léger; elle s'avança, la lumière à la main eten silence, devant le comte. »' — Ma sœur, me dit-elle, avec un peu de trouble, mais sans trop se déconcerter, me voilà toute prête. Je ne comprenais pas, je la regardais avec surprise, elle était habillée des pieds à la tête. —Que veux-tu dire? tu es folle! —Pas du tout, ma sœur, je veux être enlevée comme vous. Le comte de Melun ne put s'empêcher de rire. — Mademoiselle, lui ditil, vous oubliez vos poupées et vos polichinelbs. — Monsieur, ré pondit-elle avec dignité, j'ai treize ans, ce n'est pas d'hier que j'ai dé buté à l'Opéra, je joue mon rôle dans l'enlèvement de Psyché.—A mer veille, dit le comte, nous allons vous enlever. Aussi bien , me dit-il, à l'oreille, il n'y a que ce moyen de nous délivrer d'elle. » J'étais fort ennuyée de ce contre-temps qui compliquait trop l'aven ture. Mon père pouvait pardonnermon enlèvement, maiscelui de Sophie! J'essayai de la détourner de cette folle tentative : je lui offris mes paru res ; elle ne voulut pas entendre raison; elle déclara que si on ne l'en-...
À propos
Le Constitutionnel fut un quotidien politique sur quatre pages, fondé par Fouché et une quinzaine d’actionnaires, pour la plupart contributeurs du journal. D’abord bonapartiste, il s’agissait d’un organe puissant jusqu’à la naissance du Second Empire, rassemblant bonapartistes, libéraux et anticléricaux. Marqué par la personnalité d’Adolphe Thiers, le journal rendait compte des informations diplomatiques européennes, mais discutait également de l’actualité politique française.
En savoir plus Données de classification - de marteille
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