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Le Courrier de Bourges, 5 octobre 1856

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Le Courrier de Bourges
5 octobre 1856


Extrait du journal

il n’est pas moins bon quelquefois de leur opposer des explications caté goriques. On s’est efforcé, par des publications, de faire croire à l’étranger que les hommes envoyés à la Guyane avaient été victimes des plus mauvais traitements, et, pendant leur traversée, et depuis leur arrivée à Cayenne. Voici la réponse à cette accusation : Une idée vraiment philanthropique a présidé, on ne l’ignore pas, à la suppression des bagnes et à l’établissement de Cayenne. On a pensé avec raison que les forçats des bagnes, encombrés en France dans des espaces étroits et malsains, pourraient-êlre beaucoup mieux traités dans une colonie, s’y amender et devenir utiles. A celle catégorie, on a joint, en vertu du décret du 8 décembre 1851, des hommes faisant partie des sociétés secrètes, et dont la plupart étaient déjà des repris de justice. Depuis l’origine de la transportation jusqu’à ce moment, le nombre des individus envoyés à Cayenne et appartenant à la catégorie soi-disant politique, a été de 520. nombre qui, d'après les dernières statistiques, se trouvait réduit à 180. La diminution a eu pour cause : 1» des éva sions en assez grand nombre ; 2° des libérations successives par me sure d'indulgence; 3° 52 décès survenus dans cette catégorie pendant un espace de temps de plus de quatre an», chiffre qui peut surprendre par sa modicité, si on songe que depuis quinze mois la fièvre jaune règne extraordinairement à la Guyane sous la forme épidémique. Pendant le séjour de ces individus à la Guyane, l’administration de la colonie, loin de mériter le moindre reproche quant à leur traitement, a poussé, au contraire, aussi loin que possible les soins, les ménage ments et ta longanimité. C’est ce qu’ont attesté bien des lettres des inté ressés eux-mêmes. Jamais cette catégorie de transportés n’a été confon due sur les pénitenciers avec les autres, soit à l’tlet la Mère, soit à Filet Saint-Joseph ; on leur a toujours affecté des établissements spéciaux. Pendant longtemps on les a nourris sans exiger d’eux aucun travail ré gulier. Celte tolérance devait avoir un terme. C’est le plus petit nombre qui s’est mis en état de résistance à l’obligation du travail dans les pé nitenciers, travail réglé d’ailleurs dans toutes les conditions nécessaires pour qu’il ne puisse altérer ni leur santé ni leurs forces. La clémence de l’Empereur s’est déjà étendue, comme on vient de le voir, sur un assez grand nombre de transportés signalés pour leur re pentir ou seulement notés pour leur soumission continue au régime que leur rébellion leur a fait encourir. Parmi ceux-là même, cependant, il y en avait beaucoup dont les antécédents judiciaires étaient déplorables. Leurs états signaléliques fourmillent de renseignements qui auraient per mis d’en classer beaucoup soit avec les repris de justice, soit même avec 1rs forçais. Parmi eux il s’en trouve, faut-il le dire, plusieurs qu’a frap pés, non le régime actuel, mais celui même de la République. Qu’on n’oublie pas, en effet, que l’Algérie avait reçu, en vertu d’une loi de 1850, la partie la plus dangereuse des insurgés de juin 1848, et qu’un certain nombre de ces hommes n’a été envoyé de l’Algérie à la Guyane qu’à titre de déplacement, motivé sur leur mauvaise conduite dans les établissements du nord de l’Afrique. Dés le début, les transportés envoyés à la Guyane en vertu du décret du 8 décembre 1854 ont été soigneusement l’objet d'installations isolées de celles des forçais, et il n’y a eu que des rapprochements très mo mentanés commandés par les circonstances entre les repris de justice et les soi-disant politiques, dont beaucoup étaient eux-mêmes des repris de justice. Les rapprochements consistaient, d’ailleurs, dans l’installation sur une seule et même De, mais jamais dans la cohabitation. L'obligation du travail, commune à tous, a été, en théorie, entendue d’une manière uniforme, c’est-à-dire que le droit coercitif des autorité* allait jusqu’à l’emprisonnement, et que partout les détenus devaient, se* Ion la mesure de leurs aptitudes et de leurs forces, être employés aux lt avaux d’installation et de jardinage. Mais, en fait, on peut dire que la catégorie dite des politiques a joui d’une grande liberté relative. Beau coup ont été autorisés à résider en liberté sous caution, soit dans la ville de Cayenne, soit dans les quartiers ; ceux qui ont été internés, soit à l’tlet la Mère, voisin de Cayenne, soit à Filet Saint-Joseph (l’une des lies du Salut), n’ont pris aux travaux qu’une part très secondaire. Pies tard, sous l’administration du contre-amiral Bonard, cette catégorie, sauf tou jours ceux qui sont en liberté sous caution, a été concontrée sur !a troi sième des lies du Salut, Elle du Diable, sous réserve de mettre en déten tion disciplinaire, à bord du ponton le Castor, ceux qui se montreraient les plus dangereux par leur résistance aux ordres de l’autorité. M. le contre-amiral Bonard décrivait ainsi le régime des transportés à File du Diable, dans sa correspondance de mars et avril 1853 : * Je leur ai affecté en propre File du Diable, où il avait été fait quel ques essais de culture, où il avait été élevé quelques baraques. Je leur ai livré des matériaux pour compléter leurs installations, auxquelles ils se sont mis avec toute l’ardeur qu’inspire la nouveauté. LT le du Diable se trouve, en ce moment, sous F oeil vigilant de M. de Richerie, sans un seul garde ou gendarme. J’ai eu soin seulement de leur enlever les embarcations et tous les moyens d’évasion. Un d'entre eux a été appelé à la direction de celle turbulente population : tout va bien jusqu’à pré sent. « Je n’ose espérer, avec ces caractères exaltés et changeants, quel que chose de solide et bien organisé. J’ai pu faire celte expérience sans danger, et l’arrivée do Castor, avec ses prisons cellulaires, me mettrait à même d’éloigner de cette petite coLine tous les fauteurs de désordre, s’il venait à s’en manifester. « La résignation e»t donc devenue de rigueur, et, pour le moment, seuls, sans gardes, sans gendarmes, sur File du Diable, ils peuvent y discuter librement leurs théories, pourvu qu’ils se soumettent à l’auto rité de celui d'entre eux que j’ai créé responsable. Jusqu’ici ils paraissent...

À propos

Journal d'informations et d'annonces généralistes, le Courrier de Bourges traitait des actualités politiques, agricoles, littéraires ou religieuses. Initialement intitulé La République de 1848, le journal se rebaptisa le Courrier de Bourges quatre années plus tard, en 1852. En 1872, après la chute du Second Empire, le journal devient le Courrier du Berry puis, de 1883 jusqu'à sa disparition en 1902, Le Messager du Cher.

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