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Le Figaro, 16 septembre 1898

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Le Figaro
16 septembre 1898


Extrait du journal

Il nous vient de Hollande, et l'on en causait tout à l'heure dans un des principaux cercles de Paris. Deux de nos artistes les plus con nus, un sculpteur et un dessinateur, retour de La Haye, vantaient l'éclat des fêtes de ces derniers jours;.ils disaient avec quel rare instinct du pittoresque et quel joli senti ment de l'invention décorative Amsterdam et La Haye, notamment, avaient réussi à se pa rer en l'honneur de leur Reine... Il semble, d'ailleurs, que ce détail ait frappé, dès leur arrivée, tous les visiteurs étrangers, et en particulier nos compatriotes, peu habi tués à rencontrer l'originalité' et la fantaisie en des pavoisements de fêtes publiques ! Et en effet nos traditions, sur ce point, n'ont jamais beaucoup changé. Qu'il s'agisse d'expositions, de galas, de cortèges, de fêtes nationales ou de distributions' de prix, ce sont toujours mêmes tentures, mêmes arcs triom phaux, mêmes guirlandes de lampions, mêmes trophées de drapeaux, dont immuablement se garnissent les rues de Paris, l'intérieur de ses édifices ou les façades de ses maisons. Une estrade officielle s'édifie-t-elle quelque part : on peut en définir d'avance l'architecture et parier qu'elle sera tendue de rouge, et que ce rouge sera bordé d'or. Il est sans exemple qu'une estrade officielle française ait été déco rée autrement, et tous les hommes assez vieux pour avoir assisté aux fêtes de l'Empire vous diront que rien ne ressembla plus au Paris du 14 juillet 1898 que le Paris du 15 août 1868. Nous sommes même devenus là-dessus si peu difficiles que la plus mince innovation nous stupéfie. Tout Paris se précipita un jour aux Champs-Elysées pour y regarder des arbres où M. Bouvard avait eu l'idée d'accrocher des fleurs en papier. Les Hollandais ne connaissent pas le despo tisme de ces traditions. Une école de décora teurs s'est formée chez eux, en ces dernières an nées, et rien n'est plus intéressant que de sui vre l'effort de ses recherches. Tout ce que ces artistes ont fait n'est pas excellent; mais pres que tout ce qu'ils essayent est curieux, et digne d'attention. Ils avaient imaginé, à Amsterdam, des co loriages de palissades en tons clairs, et des encadrements de fleurs ou de motifs orne mentaux peints sur le bois, qui étaient d'un effet étonnant ; ils avaient, sur des façades, sombres, substitué aux classiques verdures des guirlandes de roses ; ils avaient emprunté aux architectures asiatiques leurs plus impré vues fantaisies de lignes et de tons ; sur des échafaudages de maisons en construction, ils avaient os^ dérouler des tentures extraor dinaires d'étoffes Liberty dont les bigarrures étaient un éblouissement et une joie ! Et celui de nos deux compatriotes qui racon tait ces choses, ajoutait : — Pourquoi, nous qui nous flattons d'être un pays d'art et de progrès, n'essayerions-nous pas de mettre à profit ces modèles ? Nous avons eu, dans tous les arts et de tout temps, des créateurs, des innovateurs admirables. Mieux que cela : quand il s'est agi de parer l'intimité de nos habitations et d'habiller la femme, nous avons donné au monde entier des leçons d'esprit et des leçons de goût. y Comment se fait-il que jamais l'idée ne nous soit venue de vouloir étendre cet esprit et ce goût-là à la parure — à la toilette de la rue ? Et enfin si, de ce. côté-là, nous n'avons pas su être les premiers à avoir des idées intéressan tes, pourquoi au moins ne pas chercher à suivre l'exemple qui nous vient d'ailleurs ? > Quelqu'un interrompit : — Mais le moyen ? — Le moyen ? fit notre artiste. Il est le plus simple du monde. Il existe à Paris une « Union centrale des arts décoratifs » qu'on a souvent accusée — et très à tort, selon moi — d'être l'une des institutions les plus inutiles de ce temps, je lui propose un moyen de fermer la bouche aux critiques^- et de se rendre immédia* tement populaire. > Qu'elle organise, une fois par an, un concours d'art décoratif urbain , approprié. aux Et quelle, -A^t^çei&g-...

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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