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Le Figaro, 2 janvier 1859

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Le Figaro
2 janvier 1859


Extrait du journal

Vous avez été intéressé, Vautre soir, par notre causerie, monsieur ; vous désirez que je la reprenne et que je la continue dans te Figaro. C'est bien obligeant de voire part, et vous me faites beaucoup d'honneur. Peut-être serez-vous seul de votre avis, pourtant. Que sont les ra~ contages d'une vieille femme aujourd'hui 1 Et, d'abord, qu'est-ce qu'une vieille femme? Un être qui vit trop long temps au gré de ses héritiers, un paquet qu'en oublie dans un coin, une grognon qui radote, qu'on délaisse ou dont •on l'it. C'est là un triste lot. Les vieilles femmes et les vieilles fleurs ont le même sort, on les jette au rebut. Les couleurs sont ternies, les parfums sont envolés, il n'en leste rien que le souvenir. Or, les souvenirs ressemblent aux regrets, et la jeunesse n'en veut point ; elle est toute aux espérances, elle est toute au présent et au positif surtout, le passé n'existe pas pour elle .- il la gênerait. Ces gens-là ont vingt ans ! la belle fortune. Bien des vieillards oublient qu'ils l'ont possédée; d'autres, au contraire, se le rappellent trop et persistent à les avoir toujours. Ah 1 oui, j'ai eu vingt ans, et quand je les avais, c'était un beau temps, monsieur! on en sa vait faire usage, on ne les galvaudait pas (je vous demande pardon de l'expression : elle est triviale, mais elle est rend ma pensée) ; on ne les dépensait pas en monnaie de cuivre par les rues. C'était un trésor! on le par'ageait sans doute ; à quoi eût-il pu servir autrement '! On bafoue nos rêves, nos flammes, nos palpitations, a os bosquets, nos clairs de lune, on voit bien que la jeunesse du jour n'en a jamais goûté. On s'adore aujourd'hui, on ne s'aime plus. Je gage cependant que si vos héros .avaient été ai més de la bonne faiseuse, ils n'en médiraient pas ainsi. On parle d'amour partout, on n'a que ce mot à la bouche, et l'on a tout bonnement supprimé l'amour. Oui, monsieur, je le maintiens. Qu'est-ce que l'amour, selon la génération- actuelle ? Une question d'argent ou une question de croeheteur. Vous êtes de l'école de cet am bassadeur à qui Louis XV, je crois, demandait s'il s'amu sait à Paris et s'il faisait l'amour. — Non, sire, répondit-il, je l'achète tout fait. L'on n'a pas assez de railleries pour les passions de 1830. Hélas! les miennes remontent à cette date-, mes billets doux les plus charmants sont signés de cette épo que ou à peu près. Je ne puis laisse!,'' déchirer les ar...

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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Données de classification
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