Extrait du journal

L'engrenage de la liquidation de la guerre conduit à une faute suprême,'qui est le désarmement. Dans son discours d'Alençon, M. Tardieu a déclaré qu'elle ne serait pas commise. A Genève, M. Briand vient de confirmer la décision du gouver nement français. Le désarmement n'est pas aban donné : il est ajourné. Pour combien de temps ? Tout indique, dans les circonstances présentes, que le désarmement serait insensé. L'opinion publi que, un peu réveillée après tant d'erreurs et de dé ceptions, ne le supporterait pas. Les débats, qui ont eu lieu à Genève depuis plusieurs années, prouvent qu'une limitation des armements n'est concevable qu'après une organisation de la sécurité. Or, cette organisation n'existe pas ; elle paraît même aujour d'hui combattue si fortement qu'elle est pratique ment impossible. Les grandes puissances, qui auraient pu contri buer à protéger les nations contre un agresseur, sont très décidées à ne prendre aucun engagement. C'est J'état d'esprit de l'Amérique, qui ne veut pas se mêler des affaires européennes, du moins en cas de conflit. C'est l'état d'esprit de l'Empire britannique, penché sur ses difficultés et ses intérêts, bien résolu à ne pas accroître ses responsabilités et ses charges. II n'y a donc pas de promesse d'aide mutuelle. Un pays attaqué n'a aucune certitude d'être secouru. Chaque nation, on l'a dit et répété, a le devoir de n'être pas dupe, si elle ne veut pas être victime. On aurait pu s'apercevoir plus tôt de vérités aussi simples. Il a fallu l'évacuation prématurée de la Rhénanie et la série des manifestations de l'Al lemagne pour rappeler les rêveurs au sentiment de la réalité. Le journal américain World résume la situation par ces mots : « Les élections allemandes sont le plus clair avertissement d'un danger sérieux pour la paix de l'Europe. » Les succès de Hitler en Allemagne et de Starhemberg en Autriche, le bruit causé par l'entente des Soviets et du germanisme ont fini par secouer les torpeurs. On s'aperçoit que Je désarmement serait une folie. C est un résultat. Est-ce assez ? Les événements réclament bien autre chose que cette prudence négative. Ils exigent de l'énergie et de l'action. Ils veulent qu'on re nonce aux systèmes de défaillance et d illusion. A Genève, aux Etats-Unis, en Angleterre même, les "apôtres ne manquent pas, qui sèment l'idée de con cessions nouvelles. M. Briand aurait tenu, d'après un journal genevois, des propos si stupéfiants qu'ils ont été démentis. Mais c'est déjà un signe inquié tant du désordre général que ces propos aient paru assez vraisemblables pour etre publies. L interna tionalisme des uns, le puritanisme des autres, sans parler des combinaisons qui ne sont pas innocentes, tendent à persuader les peuples que pour sauver la démocratie allemande, c'est une grande politique de faire des sacrifices supplémentaires. La première condition de tout redressement est de renoncer à tou tes ces notions troubles, et de procéder vigoureuse ment à une réorganisation nationale. II y avait avant 1914, pour les peuples, des moyens de se défendre, leur puissance morale et matérielle, leur armée, leurs finances, leurs amitiés et leurs alliances. On a cherché des solutions iné dites à des problèmes vieux comme le monde. On a abouti à une situation, dont tous les observateurs reconnaissent le caractère périlleux. Et, au moment de revenir aux anciennes garanties, on s'aperçoit qu'elles sont moins bien établies que jadis. Où sont les finances, où sont les alliances d'avant-guerre ? ? André Çhaumeix....