Extrait du journal
En ce moment où tous les Parisiens sont aux cliamps, il leur arrive: de faire connais sance avec ces « bons villageois» qui n'ont guère changé depuis la charmante comédie de Victorien Sardou. Ils se plaignent toujours de la pluie et du beau temps, maudissent le sort qui s'acharne après leur lopii) de terre et leurs bestiaux, et lèvent les bras au ciel quand on leur demande, par politesse, des nouvelles de leur récolte : -r- Ah ! mon bon monsieur, quelle mauvaise année! La sécheresse a tout détruit !... — Mais il me semble que déjà, l'année der nière... — L'année dernière, c'était la grêle !... Et l'année prochaine, n'en doutez pas, ce sera autre chose. La vérité est que, l'une dans l'autre, toutes les années se valent, et que, plus ou moins, tous les paysans se res semblent.' Si les récoltes étaient si persévéramment mauvaises, il y a longtemps qu'il n'y aurait plus de campagnes ni de campagnards, et grâce au ciel on peut se rendre compte, en ces mois de déplacements et villégiatures, que la bonne terre de France est toujours aussi fertile et aussi peuplée. Le ministère de l'agriculture vient de pu blier, précisément, les rapports des profes seurs départementaux d'agriculture lui faisant connaître l'évaluation des récoltes en terre au Ier juillet 1905. On y peut évaluer d'un coup d'oeil quelle sera la production annuelle en blé, méteil, seigle^ avoine et orge. Nous nous en tiendrons, si vous voulez bien, au blé qui — soit dit sans offenser les autres céréales — est pour nous la chose la plus intéressante et la plus essentielle. Eh bien, quoi qu'en puissent dire nos braves paysans, ce n'est pas encore cette année-ci que nous mourrons de faim. Ce n'est pas évidem ment une année de vaches graisses, mais ce n'est pas, non plus, une année de vaches mai gres. Et, somme toute, la santé consiste à n|être ni trop gras ni trop maigre. Sous ce rap port, nous serons bien servis. Les professeurs d'agriculture, qui sont la loi et les prophètes, signalent qu'au 1er juillet dernier l'état des cultures était « bon » dans 43 départements, « assez bon » dans 38 et « passable » dans quatre seulement. C'est, on en conviendra, une moyenne fort convenable. Si l'on entre dans les détails, on constatera que les départements de villégiature estivale, le Calvados, notamment, la Seine-Inférieure, la Somme, IUe-et-Vilaine, les Côtes-du-Nord, le Finistère, la Manche, se trouvent précisé ment dans la série privilégiée, de sorte que les. Parisiens en vacances ne devraient trou ver là-bas que des figures réjouies, et que, même, les naturels du pays devraient être plus raisonnables dans leurs prix. Mais je n'ose l'espérer, car avec ces finauds de Nor mands il faut toujours avoir à l'esprit le joli mot d'une des comédies de Meilhac : r- On prétend que les Normands sont intrai tables, disait un des personnages.' C'est une erreur. Avec de la bonne volonté, on peut très bien s'entendre avec eux... — Vraiment ? — Mon Dieu, oui... Ainsi, moi, tenez, un jour à Lisieux, j'ai voulu acheter un poulet. Le marchand m'en demandait cent sous, et je ne voulais en donner que trois francs. Nous avons bataillé pendant plus d'un quart d'heure... — Et puis ? — Et puis, j'ai fini par l'avoir... pour cent sous ! Il est probable que ce doux entêtement n'a pas changé, mais cette année, si les bons villageois voulaient tenir la dragée trop haute, les Parisiens ne seraient pas forcés de subir leur loi, car, par une fortune vraiment miracu leuse, il se trouve que lé département de la Seine est un des plus favorisés.sous le rapport de la culture. Il a une des meilleures cotes pour la production du blé. Où diable, par exemple, ce blé a-t-il poussé? Est-ce dans le bois de Bou logne ou sur les fortifications? On ne sait, .mais la statistique est là, et le fait est indé niable. Au reste, comme, cette année, tous les départements sont à peu près sur le même pied car il n'y a qu'une différence assez peu sen sible entre une « bonne » récolte et une ré colte «assez bonnes, il suifira, pour être...
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
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