Extrait du journal

C'est plaisir aujourd'hui que de recevoir des let tres. Elles ne nous apportent pas seulement comme jadis des nouvelles de nos amis ou de nos créan ciers ; l'ingénieuse sollicitude de M. le ministre des postes veut que là seule lecture de T'enveloppe soit, par elle-même, une joie ou tout au moins un ensei gnement. Au lieu du sec cachet dateur, tout rond et tout bête, et ordinairement illisible, elle emploie, pour oblitérer les timbres-poste, des empreintes va riées, dont la diversité seule est un agrément, et qui formulent: de judicieux conseils, comme de saUver les élites ou de manger de la morue. Ces conseils ne viennent pas toujours avec le même à-propos. L'invitation de fumer les meilleurs cigares de la Régie française tombe parfois chez ces gens qui se font un cas de conscience de s'abstenir de tabac, et il arrive aussi que, sur des enveloppes de deuil, en soit convié à des réjouissances. On trouve enfin, au travers des timbres-poste, l'exposé sommaire de doctrines métaphysiques assez hasardeuses. « L'animal souffre comme vous, pitié pour lui >. Voilà ce que l'on peut lire en décachetant son cour rier. Eh ! je veux bien avoir pitié des animaux. Je ne me souviens pas d'avoir jamais fait'le moindre mal à aucun d'eux, ceux du moins qui ne me mordaient, ni ne me piquaient. Et j'entends bien qu'un animal est capable d'éprouver le plaisir et la douleur : il suffisait, jadis; de voir un cheval efflanqué et roué de coups tirer sa charge dans une montée un peu rude ; il suffit de marcher, sans le faire exprès, sur la patte d'un chien pour s'apercevoir qu'on lui fait mal. Et c'est donc une cruauté, j'en suis bien d'accord, que de faire mal à la moindre bête....