Extrait du journal

Debout dès l'aube, il se mettait aussitôt à sa tâche et la poursuivait jusqu'au soir, sans interruption. Il; en a été de même jusqu'en ces derniers temps, ainsi que l'attestent les brillantes pages tombées de sa plume cet hiver et dont Ja Revue dés Deux Mondes continuait hier èncore'la publication. Durant cette période laborieuse, il semblait infatigable malgré ses quatre-vingt-huit ans. Les atteintes de l'âge, la cécité grandissante qui éteignait de plus, en plus la flamme de son regard, les caprices d'une santé que la vieillesse rendait de jour en jour plus fragile, avaient laissé intacte la merveilleuse lucidité de son intelligence, la fraîcheur de sa mémoire, l'éloquence abondante de sa parole, l'ardeur de son âme et, par-dessus tout, sa faculté de travail qu'il a conservée sans altération jusqu'à la fin de son existence. Telle était, chez lui, cette faculté, qu'il mettait sur les dents, dans une journée, les deux secrétaires auxquelles il dictait sa narration et qui n'étaient autres que sa femme et sa fille. Héroïnes de dévouement, elles s'étaient assouplies à sa méthode et le secondaient dans sa dictée comme dans ses recherches, avec un zèle admirable. C'est grâce à elles, à sa noble compagne surtout, qu'il a pu conduire à bout l'œuvre considérable qu'il avait entreprise, voilà vingt-cinq ans et la termineravant de mourir....