Extrait du journal

Les cinq puissances réunies à Londres ont inauguré leurs travaux par une séance solennelle. Les paroles pronon cées par le roi d'Angleterre et par les chefs des délégations ont attesté les sentiments gé néreux de la conférence. Maintenant que les cœurs se sont exprimés, c'est à la raison de se manifester : l'œuvre est pleine de difficultés. Toutes les puissances souhaitent de diminuer les constructions navales, parce -que toutes ont besoin de ménager les finances publiques. Mais il n'en est pas une qui ne soit dans la nécessité de défendre ses côtes et d'assurer ses communications. Elles se trou vent donc à la fois désireuses de limiter leurs arme ments et obligées de limiter leur désarmement. Entre le vœu pacifique et le devoir national s'étend le champ strictement «défini où elles peuvent accomplir un travail raisonnable et modeste. Ce serait un ré sultat honorable si elles arrivaient à se mettre d'ac cord sur le tonnage et sur la répartition des propor tions, sans se heurter et, sans sacrifier leurs intérêts (essentiels. Les desseins plus vastes sont réservés à un ave nir peut-être lointain, en tout cas imprévisible. Quand M. Macdonald est venu à Paris, il y a quelques mois, faire une conférence, il a dit qu'il se sentait en pleine sécurité dans la rue, et il en a conclu que les nations pouvaient bien essayer de vivre comme de simples citoyens, sans armes. M. Macdonald, qui n'avait pas alors les soucis du gouvernement, oubliait que la paix dont il jouissait était assurée^ par l'existence de la police et par l'institution de tribunaux, dont la force publique fait exécuter les sentences. Qui fera la police des mers ? Les enseignements de la guerre ont montré que le moyen le plus efficace de réduire une puissance qui viole les pactes pacifiques serait d'exercer un sévère blocus. Mais les Etats-Unis 'ont manifesté récemment leur intention de ne pas admettre cette mesure de coercition. Us entendent assurer, en tous temps, même en cas de guerre, la navigation com merciale et les échanges. Ainsi les puissances ne peuvent songer présentement à la sanction qui était la plus facile à prendre. Il leur resterait la ressource de constituer une force internationale, destinée à contenir un pays menaçant. Mais ce que la Société des nations n'a pas pu faire pour garantir la paix sur terre, la conférence de Londres n'a certaine ment pas l'ambition de l'entreprendre pour établir la paix sur les mers. La conférence a donc eu la sagesse de se don ner un programme limité. Elle ne réussira que si chaque puissance peut faire état de ses besoins na tionaux et maintenir ses droits. Le temps est loin où les marins de l'anthologie grecque disaient, avec une mélancolie philosophique, que le vent, cause de leur naufrage, gonflait au large les voiles de bar ques plus heureuses. Il est impossible pour les chefs des délégations d'accepter des réglementations qui permettent aux uns d'avoir une marine puissante et qui défendent aux autres de posséder ce qui leur est nécessaire pour vivre en sécurité. Dans l'œu vre de la limitation des armements, on ne peut pro céder que par des étapes prudentes. Le monde est encore plein du souvenir des conflits qui ne permet tent pas de s'abandonner aux rêves. Il y avait, ré cemment encore, un cuirassé allemand qui s'appe lait l'Alsace et un autre la Lorraine. Nous ne som mes pas sûrs qu'ils ne portent pas ces noms encore au moment-où s'ouvre la conférence de Londres. — André Chaumeix....