Le Figaro 24 septembre 1879

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Extrait du journal

Ice temps, on pouvait escompter l'avenir. On pouvait épouser une femme riche à qui on donnait valeur égale en situation sociale — ou une femme pauvre qu'on était certain de nourrir ! Aujourd'hui, astu l'avenir ? Tu n'as pas même le pré sent ! Tu es peut-être marqué comme un mouton pour l'abattoir. Tu es un conser vateur et la grande Révolution sociale s'approche— elle est venue !. Marié, tu se ras obligé de lui demander grâce.Tu iras dans l'antichambre de M. Louis Blanc! Tu te feras recommander à M. Clémenceau ! Au contraire, si tu restes garçon, à la Révolution qui te dit qu'elle ne te fera pas avancer d'un cran tant qu'elle vivra, tu pourras tranquillement répon dre :*« J'attendrai ! » Le jeune homme impatienté fit : « Je n'irai jamais chez ce monde-là ! » Si fait, mon ami. Tu. ne sais pas comme c'est poignant de voir près de soi une femme qui soulîre sans se plaindre ! Ta femme . pleurera des injustices que tu dédaigne ras. Et si la Révolution dure — les en fants n'en viendront pas moins ! Or, rien ne tire le cœur comme d'imposer. des privations à ces petits êtres. As-tu vu ces mères pauvres entraîner nerveusement leurs bébés qui veulent s'arrêter devant les boutiques de jouets? Ah! si tu pou vais choisir ta femme ! Mais en France, on épouse, comme en Orient, des jeunes filles voilées. On ne les connaît pas, comme en Angleterre. On ne les éprouve pas, comme jadis en Savoie. Le promis causaitavec lapromise, pendant six mois, à travers la fenêtre du rez-de-chaussée — pendant six autres mois, à la table et au foyer — pendant trois derniers mois, le promis pouvait s'asseoir sur le bord du futur lit conjugal. Mais une femme même d'élection s'énerverait dans ce rôle que la Révolution te réserve.Elle ne peut supporter une situation douloureuse; que s'il y a un aléa. La femme est aussi joueuse que l'homme ! Mais elle souffrira de la misère où tout est connu d'avance 1 Jeune homme, tu iras donc dans l'anti chambre de M. Louis Bïanc et de M. Clémenceau. Ta femme elle-même, peutêtre t'y poussera. Ami, garde ta fierté et ton indépendance, en même temps que celles de la femme. *Ne donne pas à la Révolution ce qui lui rnaijgnç encore -:la femme'...

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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