Extrait du journal

M. Destrée était résolu à ne pas tenir cette promesse. Au diable les préjugés . Et la meilleure morale, selon lui, était celle qui garde le corps et l’esprit contre l’abâtardissement des chastetés contre nature, aboutissant aux aberrations hors nature. Il ne voulait pour Edmond ni le mariage hâtif, avec sa perspective de divorce à brève échéance, ni la séduction de la petite couturière, qu’on indemnise en la dotant pour son mariage avec un zingueur, ni la fille de brasserie, qui sert le double poison de la bière frelatée et de la chair gâtée, ni les répugnants marchandages des coins de rues, où, généreux ou ladre, le client est sûr de n’en avoir jamais pour son argent. Une liaison dans le monde? quelque jolie veuve, quelque sentimentale délaissée, à consoler ou à venger? Ils ne fréquentaient pas. Une idée ! Il hésita, assombri tout à coup par des pensées mélancoliques. Une glace lui offrant son image, il vit un homme encore beau, peut-être par une sourde protesta tion de tout son être à cette minute déci sive, mais bien usé pour ses cinquante-trois ans, déjà entré dans la vieillesse, cette morne antichambre du dortoir définitif. Comme un pressentiment de fin prochaine l’attrista, mais lui commanda de ne reculer devant rien pour faire, le plus promptement, de son fils un homme. Il écrivit une lettre et fit appeler Ed mond. Elégamment vêtu, selon la loi d'une mode juste milieu, correct sans anglo manie, simple sans débraillé, le jeune homme était charmant, de jolie tournure, de visage séduisant, avec ses airs de fille et m naissante barbe, un duvet d'or pareil à Fer de cheveux épais, taillés en courtes beucles. Mais quelle morbidesae de chair...