Extrait du journal
Vne semaine plus tard, le triomphe es tompé par le passé, l’amante cruelle et jolie est devenue plus pâle, elle regrette. A sou tour, elle a parlé à tous les objets qui parent son nid ; elle a reposé ses yeux sur le grand lit où elle a dormi, le front sur le bras de l’amant. Elle se souvient des longues scènes de tendresse et de joie où, bien enfermée dans le baiser de l’homme, elle montait jusqu’à ses lèvres pour y boire la divine liqueur qui électrise et enchante. Retrouverait-elle jamais, sans lui, un pareil bonheur? Sans réfléchir, elle s’assit devant son petit bureau de laque fleurie, et fébrile ment écrivit ces quelques mots sur un papier à devise : « Mon cher ami, je serais contente de u te revoir, j’ai quelque chose de très ira it portant à te dire, de t’attendrai tout ce ci soir. » Elle se fit belle pour attendre, s’arma de suggestivité, de ce qu’il aimait le mieux ; elle se fit belle comme il aimait qu’elle fût. Quand il entra, elle s’avança au-devant de lui, la main tendue. Elle lui demanda de ses nouvelles, eut sa voix des bons jours, comme si rien n’était venu s’inter poser entre eux. — Tu as à me parler ? demanda-t-il. Elle hésita. — Oui... veux-tu que je dîne avec toi, ce soir? — Non, répondit-il, ma soirée est prise. — Autrefois, dit-elle presque bas, tu me jurais que tu sacrifierais tout à mon désir ou à mon plaisir. — Autrefois, oui. Mais, aujourd’hui, je ne t’aime plus et j’aime une femme qui me tient les sens et le cœur. — Je suis déjà remplacée! — Oui. — Alors, tu ne peux rester avec moi, ce soir ? - Non. — Adieu ! — Adieu ! Il s’en alla. Elle éclata aussitôt en san glots; il rejoignit sa nouvelle maîtresse. Mais, le soir même, il avouait qu'il ado rait l'abandonnée. Tandis que la pauvre et blonde oiselle se lamentait dans son lit vide, pendant qu’elle pleurait dans ses cheveux dénoués, épandus autour de son visage comme un splendide voile d’or, lui, faisait semblant de s’amuser et d'aimer une autre femme, dont le charme neuf et la nouvelle venue ne pouvaient chasser le visage de l’autre qu’il savait en train de souffrir... et qu’il aimait! Et cet amour joli, qui chanta de pays en pays, au gré de leur fantaisie, cet amour qu’ils vécurent comme un beau songe, n'eut même pas un dernier baiser, une dernière caresse pour le clore. ... Comme peut-être — taut-il le souhai ter pour eux? — une belle histoire qu'un journal publie et qui se trouve suspendue au plus pathétique passage, et qui aura sa « fin »... demain. L’AÏEULE....
À propos
Fondé fin 1890 par François Mainguy et René Émery, Le Fin de siècle était un journal mondain bihebdomadaire. Lorsqu’il paraît, il sort immédiatement de la masse en vertu de son style badin et de l’érotisme à peine voilé de ses dessins. En 1893, son « bal Fin de siècle » fait scandale à cause de la tenue très légère de certaines de ses convives. Quelques années plus tard, en 1909, le journal devient Le Nouveau Siècle. Il disparaît en 1910.
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