Extrait du journal
Plus que nous, les femmes sont in dulgentes, excusent les fringales de joie qui nous ont jeté sur le corps des pas santes. C’est qu’elles savent mieux ai mer que nous, oui, bien mieux... Elles souffrent sans doute, non pas dans leur amour, mais dans leur orgueil, et elles se taisent, subissent pour nous cette peine, nous l’offrent en holocauste. En souffrir... mais pourquoi ? Elles jugent que l’infidélité est une injure, une lèse-majesté, un mépris presque de leur beauté à une autre comparée... Tandis qu’il n’est rien de tout cela, que nous avons cédé à un appel des sens, à un besoin de joie, à la douce curiosité d'une chair nouvelle, à je ne sais quelle poussée enfin des instincts, quoi qu’on veuille, toujours plus forts que vous. Nous les mâles, plus forts, pourquoi avons-nous également ces faiblesses d’amour-propre ? Pourquoi, si votre amie vous trompa, ne pas l'absoudre de la faute inconsciente, pourquoi vou loir enfin cette chose impossible : être le seul aimé ? La femme la plus chaste et la plus vertueuse, l'épouse impeccable, sans reproche en actions, n’a-t-elle pas — combien de fois par an, par semaine et par jour? — rencontré les yeux d’un jeune homme, si chargés de douceur et de tendresse, qu elle a pensé, ne fût-ce qu'une seconde: « Ah ! je l’aurais aimé, bien aimé, celui-là, aussi !... » Le plus jaloux ne saurait s’offenser de cette défaillance de l'esprit... Pourquoi maudire davantage une défaillance de chair ? Si, chez l’une, le désir ne se réalisa pas, à qui la faute ? A la vertu ? Non pas... aux circonstances, à la force in connue qui nous mène et nous guide, conserve l une intacte, et jette l'autre au lit. J’ai connu un amant qui avait su s’affranchir de la jalousie. Il semblait un homme d’une autre race. Comme un jour son amie s’emportait et lui re prochait une passagère infidélité, très doucement il répliqua : — Oui, c’est vrai, j’ai cherché un peu de volupté sur une chair qui n’était pas la tienne. Mais puisque je t’aime encore passionnément, de tout mon corps et de toute mon âme, tu dois me pardon ner ces aventures que j’avoue haute ment 1 L’amie s’emporta, pleura : — Non, non, tu ne m’aimes plus. Si tu m’avais aimée, tu ne m’aurais pas trompé. — Je ne te trompe pas... je ne mens pas... Je t’avoue simplement, sans for fanterie, maissans honte, que ma pauvre chair faible à cédé à la tentation... — Tu ne m’aimes pas. Alors, lentement, l'amant demanda : — Tu ne m’aimes donc plus? L'amante s'effarait. Il continua : — Si, je crois que tu m’aimes, je le sais, je le sens. Pourtant tu as donné la fleur de ton baiser aux amis qui pas saient. Grâce aux malices de tes cama rades, je sais que plus d’une fois tu es tombée en des crises de luxure. Oh ! ne nie pas... Voici des noms, des preuves... Eh bien ! je n’ai rien dit; j’ai subi, sans amertume, ces choses inévitables. Même quand tu me revenais, l’œil encore alan gui, la bouche encore humide, jouissant encore de l'extase, je m’efforçais à me réjouir de ton bonheur. Oh ! d’abord j’ai lutté, j’ai fait de rudes efforts pour ne pas laisser éclater les révoltes de mon amour-propre blessé. Mais je suis parvenu à vaincre ces sauvageries. Oui, tu m'aimes et je t’aime. Soyons donc des amants parfaits, libérés des erreurs anciennes et plaçant notre culte au-dessus des enlacements charnels. Si ma bouche aujourd’hui te tente, acceptela, mais demain tu pourras, si ton désir t’emporte, savourer les baisers de ceux qui te plairont... L’amante croyait à de l'ironie. Elle jurait que c’était fini, que désormais elle ne serait plus qu’à l’amant, l’unique, le mieux-aimé. Mais lui : — Ne jure pas : je serais désolé que tu te sèvres d’une volupté, que tu t’im poses un stérile sacrifice. Il ne faut écouter que la voix mugissante qui gronde en nous et nous commande d’ai mer, au hasard, ici, là!... Aime-moi. Aime aussi les autres. Soyons des amants libres, vraiment libres, magni fiquement libres! BOUGUENAIS. TOUT DERNIERS JOURS Voir à notre troisième page l’annonce de notre magnifique prime de bicyclettes....
À propos
Fondé fin 1890 par François Mainguy et René Émery, Le Fin de siècle était un journal mondain bihebdomadaire. Lorsqu’il paraît, il sort immédiatement de la masse en vertu de son style badin et de l’érotisme à peine voilé de ses dessins. En 1893, son « bal Fin de siècle » fait scandale à cause de la tenue très légère de certaines de ses convives. Quelques années plus tard, en 1909, le journal devient Le Nouveau Siècle. Il disparaît en 1910.
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