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Le Fin de siècle, 25 juin 1899

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Le Fin de siècle
25 juin 1899


Extrait du journal

genoux, je vous prierais de condescen dre à ce que nous vieillissions ensemble d’un jour de plus. La brillante colonelle donna d’un coup d’éventail sur les ongles du cheva lier, mais elle prit son bras et, l’entraî nant hors des groupées : — Conduisez-moi dans le parc, La Paussade, voulez-vous ? Puis elle ajouta plus bas ; — Je suis toujours très émue, cheva lier, quand j’entends le pépiement des oiseaux dans les branches, au mois de mai... Sans être des amoureux aussi prodi gues, aussi vaillants que ces nobles gens de l’anecdote, je sais que parmi vous, belles dames, beaucoup furent ou sont encore de généreuses amantes. Vous aviez la beauté, vous fûtes désirées; vous avez le charme, vous êtes courti sées ; et, avec une joie profonde, avec gourmandise, ce fut l’abandon rapide de vos chairs au baiser défendu. Défendu ? 11 n’est point de baisers défendus. Toutes les amours sont permises à votre âge; toutes les caresses sont nécessaires aucalniedevotre nervosité frissonnante; ce sont les baisers qui font rougir les lèvres, ce sont les pensées d’amour qui veloutent les yeux; ce sont les étreintes qui rosissent les pointes des seins et couvrent les reins de la blancheur des marbres. L’amour est le tonique suprême! il vivifie tout, le cerveau comme le cœur, la sensibilité comme les muscles. Aussi, en cette fin de mai, maintenant que tout se soulève en vous, que tout remue, hurle, appelle ou supplie, je sais qu’aux heures de solitude, lorsque vous rêvez ou lorsque vous pensez, vous n’entre voyez à travers la brume légère du passé que les tableaux délicieux où sont repré sentées les différentes étapes de votre vie d’amour. Jusqu’aux détails les plus infimes, vous vous en souvenez ; chaque chose a son importance dans la description d’un baiser. Vous-même avez une physionomie spéciale dans chacune de ces ressouvenances : ici vous fûtes gaie, légère, rieuse; là vous eûtes de la mé lancolie et vos yeux ont pleuré; plus loin vos yeux revêtent une ardeur superbe, la passion illumine vos traits, votre bouche est plus rouge, vos che veux sont plus blonds ; là-bas, vous êtes une femme coquette, vous vous refusez afin de vous mieux donner; afin d’être plus attendue; dans votre regard mutin passe un éclair railleur, et pourtant votre chair s’émeut aux caresses qu elle reçoit; ailleurs, vous êtes toute nue, c’est une nuit d’orgie, et, dans un mau vais lieu, amante perverse, délicieuse et troublante, le champagne a coulé dans votre gorge en feu, semant des envies le long de son passage, des envies de rire lubrique; plus loin encore, c’est autre chose; plus loin, plus loin, c’est encore autre chose. N’est-ce pas, madame, qu’il est bon de revoir tout cela ? C’est comme un cadeau que l’on s’olïre à soi-même, c’est un plaisir de plus que vous n’attendiez point, c’est la récompense du passé si doux à un futur qui ne pourra pas être meilleur. Victorien du SAUSSAY....

À propos

Fondé fin 1890 par François Mainguy et René Émery, Le Fin de siècle était un journal mondain bihebdomadaire. Lorsqu’il paraît, il sort immédiatement de la masse en vertu de son style badin et de l’érotisme à peine voilé de ses dessins. En 1893, son « bal Fin de siècle » fait scandale à cause de la tenue très légère de certaines de ses convives. Quelques années plus tard, en 1909, le journal devient Le Nouveau Siècle. Il disparaît en 1910.

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