Extrait du journal

sainte Claire, la plus jolie fille d’As sise, qui, après avoir entendu saint Fran çois prêcher les alouettes et adjurer te rossignol de chanter la gloire de Dieu, comprend qu’elle n’aimera jamais que lui. Et elle s’en va, naïve et simplette, dans tout le prestige de son printemps, offrir sa jeunesse et sa beauté au poverello, dont les haillons ont des rayon nements d’ostensoir... Et le poverello, qui a déjà pour amies toutes les fauvettes des bois et fait à la lune ses plus tendres confidences, ne se sent pas le courage de repousser cette adorable créature du bon Dieu. Il lui prend donc fraternellement la main, la conduit sur la colline odorante qui fait face à son ermitage et l’y ins talle en compagnie des oiseaux, ses frè res, et parmi les roses, ses sœurs. Et ils venaient ainsi, nous disent les pieux mémorialistes, en s’aimant de loin. Ainsi s’aiment encore d’un amour pu rement platonique sainte Thérèse et Jean de la Croix. Et qui ne connaît, pour en avoir lu au moins quelquesunes, les lettres échangées par François de Sales et Jeanne de Chantal ? Qui ne sait qu’un simple bonjour de Béatrice suffisait pour secouer l’âme du Dante d’une émotion délicieuse et lui donner du bonheur pendant de longs jours ? Il y aurait encore d’autres exemples non moins illustres à citer de ces amours étranges et compliquées ; qu’il me suffise de dire que ce sont là, mal gré ou peut-être à cause de leur noblesse, des exceptions. L’amour ne serait plus l’amour et l’humanité ne tarderait pas...