Extrait du journal
pas voulu reconnaître Satan lui-même ” Tel n’est pourtant pas l’avis des cri tiques à tendances positivistes. Ceux-là ne voient uu contraire en lui qu’une sorte de brute perpétuellement amoureuse. Ils s’insurgent avec une âpre éloquence contre ceux qui, depuis le moine espagnol, son créateur, ont ima giné de synthétiser en Don Juan toutes les qualités du mâle, et ont fait de lui, ou un dément ou, selon l’expression de Nietzche, un surhomme. Pour eux, Don Juan comme ces mer veilleux papillons qui n’ont qu’un rudi ment de cerveau et pas de tube digestit, est un être d’amour, incapable de soute nir toute autre lutte, de mener à bien tout autre affaire ici-bas. Ce n’est ni un démon, ni un héros, ni un génie, ni un surhomme, mais tout simplement une bête de luxe. Et c’est pourquoi, si les femmes en raffolent, ne pensent qu’à lui, se plaisent à souffrir et mourir pour lui, les hommes, dont l’intelligence est claire, qui ont un corps sain dans une àme saine, le méprisent avec toute l’ar deur de leurs énergies vraiment viriles. Oui, ils méprisent Don Juan, parce que Don Juan ignore les lois, et les viole avec une orgueilleuse inconscience ; et ils méprisent aussi Don Juan parce que Don Juan professe une horreur pro fonde pour quiconque travaille, se rend utile à ses semblables. Il est certain que Don Juan n’a qu’une idée, un but dans la vie : séduire la femme, la conquérir, la posséder, et la trahir après avoir joui d’elle. Et, do miné par cette idée fixe, comme le fou par l’obsession de sa folie, il met à la réaliser une audace démoniaque. La littérature allemande fixe à six cent trente, le chiffre de ses victimes ; les Es pagnols lui en donnent mille et trois. Et pas une, en cette légion dolente qui songe un instant à se révolter. Torturées, bafouées, ridiculisées par , lui. elles 1 adorent en dépit de tout, et trouvent une douceur infinie dans leur souffrance. La vie sans lui ne leur sem ble plus digne d’être vécue, et elles re fuseraient le Paradis à la seule idée de ne l’y point retrouver pour revivre le même supplice de leur tendresse trahie. Certains l’excusent en nous le mon trant tellement tourmenté et possédé d’égoïsme qu’il arrive au point de perdre l’idée du mal dont il est la cause et de ne plus voir que lui dans l’univers, capable de jouir et de souffrir. Mais les autres plus impitoyables le condamnent à n’être qu’un monstre, une sorte de phallus déchaîné ; il en est même qui s’efforcent de nous consoler de lui en nous disant qu’il n’est pas l’apanage exclusif du sexe fort et qu’il a son succédané dans l’autre. Pour eux, la femme en proie à certaine forme d’hystérie est le pendant de Don Juan. Et ils n’hésitent pas à lancer les mêmes foudres contre ces êtres gracieux et per fides qui font le désespoir des familles et des cités. En phrases tour à tour pleines de co lère, de tristesse et de pitié, ils nous dé peignent ces amoureuses toujours en proie au désir d’être possédées, vibrant à la seule vue du mâle, et tressaillant au seul espoir d'une caresse nouvelle et d’une étreinte inéprouvée. Pauvres créatures, que le mal d’aimer tient encore quand leur beauté a sombré et qui veulent jouir, jouir toujours, dans la décrépitude, dans la vieillesse, et dont la chair sous la glèbe humide, frémira, caressée par les vers grouillants du tom beau. Le Moyen-Age les brûlait comme ha bitacles de Satan, aujourd’hui, si d’au cuns les couvrent encore de malédic tions, la pitié publique les entoure et la science leur donne ses soins. P. VIGNE D’OCTON....
À propos
Fondé fin 1890 par François Mainguy et René Émery, Le Fin de siècle était un journal mondain bihebdomadaire. Lorsqu’il paraît, il sort immédiatement de la masse en vertu de son style badin et de l’érotisme à peine voilé de ses dessins. En 1893, son « bal Fin de siècle » fait scandale à cause de la tenue très légère de certaines de ses convives. Quelques années plus tard, en 1909, le journal devient Le Nouveau Siècle. Il disparaît en 1910.
En savoir plus Données de classification - josette
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