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Le Français, 7 mai 1871

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Le Français
7 mai 1871


Extrait du journal

C’est demain que doit avoir lieu le second tour de scrutin pour les élections municipales. Sur plus d’un point ce second tour a, par le nombre même des candidats qui restent à élire, une importance consi dérable. Nous avons tout dit sur l’abstention de di manche dernier. Rappelons seulement que dans les quelques villes où le parti radical a eu le dessus au premier tour, il ne l’a eu que par la défaillance cou pable des conservateurs. Il ne nous reste plus qu’à adresser un appel énergique à tous les bons citoyens, à tous ceux qui ne veulent pas livrer leurs villes aux alliés des communeux de Paris, et leur pays à la dictature. Au moins ne pourront-ils pas prétendre aujourd’hui qu’ils sont pris à l’improviste. Ils con naissent le danger. Nous attendons, non sans anxié té, le résultat do cotte nouvelle épreuve. A Paris, pendant que le Comité de salut public décrète, suspend, destitue, arrête, il se trouve tou jours des hommes qui prêcheut la conciliation. Les ligues de divers noms, soutenues par des journaux qu’on aimerait à voir en une compagnie plus loyale, continuent une œuvre qui semble destinée surtout à énerver les caractères et à troubler partout le sens du droit en mettant sur le même pied le gouverne ment régulier et la cohue de l’émeute. Parmi ces conciliateurs, un homme vient de faire une apparition assez inattendue, c’est M. Emile de Girardin. Peut-être a-t-il trouvé qu’après la ma nière dont il s’ôtait compromis à la fin do l’Empire et an début de la guerre, c’était le seul moyen pour lui de faire une rentrée suffisamment retentissante. Il fait maintenant paraître à Paris, de loin sans doute, un journal intitulé l’Union française, journal de la République fédérale. Il y fait cette dôclaraton au moins singulière « qu’il demeure absolument neutre entre la Commune de Paris et l’Assemblée de Versailles; » sa thèse est qu’il faut diviser la France en quinze états fédéraux dont il s’amuse à donner la composition toute arbitraire. C’est ce qu’il appelle une « conciliation sans transaction. » Pauvre unité française que les Prussiens mutilaient hier, que les cmeutiers veulent dissoudre, les sophistes vont-ils maintenant s’acharner après elle, absolu ment comme si c’était matière vile sur laquelle on peut sans danger en un pareil moment tenter des épreuves et essayer des utopies. De toutes ces prétendues transactions qu’il im porte de repousser à l’égal des violences de l’émeute, il ne peut que ressortir un appui de plus pour la Commune. Celle-ci d’ailleurs ne manque point d’al liés. Nous citions l’autre jour les encouragements que le parti bonapartiste lui envoyait de Londres par l’organe de la Situation. 11 ne lui manquait plus que d’en recevoir do Berlin. C’est ce que vient de faire M. de Bismarck en plein Parlement, à propos des mesures qui sont prises pour rattacher l’Al sace et la Lorraine à l’Allemagne. « Dans les insurrections françaises, a-t-il dit, il y a toujours eu un grain de raison. Ce grain se retrouve dans le mouvement actuel de Paris. Les communistes pari siens —je ne parle pas des révolutionnaires cosmo polites qui sont dans leurs rangs, et qui sont de simples mercenaires, mais de ceux d’entre eux qui réellement veulent faire prévaloir un principe poli tique et qui forment le noyau raisonnable du mou vement, — les communistes parisiens, dis-je, se battent pour établir en France une organisation municipale comme celle que la Prusse possède déjà.i Nous ne nous arrêterons pas à rappeler au chan celier que le suffrage universel n’existe pas en Alle magne pour le choix des municipalités, et que le gouvernement y a le droit de refuser sa sanction aux choix des magistrats municipaux faits par les municipalités, droit qui équivaut indirectement au droit de nomination des maires par le pouvoir. Nous nous demandons seulement quel motif politique — il doit y en avoir un — a pu déterminer M. de Bismarck à donner ainsi une sorte de semi-justifica tion des communeux de Paris, et nous félicitons ceux-ci d’avoir enfin obtenu un appui dont leur pa triotisme les rendait certainement dignes. 11 n’est pas sans quelqu’intérêt d’opposer au lan gage de M. de Bismarck celui des journaux améri cains. La Tribune, de New-York, ne voit pas sans effroi pour son propre pays, ce qui se passe à Paris. Elle se demande si la plèbe de New-York ne voudra pas imiter celle de Paris avec laquelle elle a une grande analogie. Ce journal fait d’ailleurs un tableau des plus sombres de l’état de corruption, de violence auquel est arrivée l’administration municipale sous l’influence de cette plèbe, et il se demande avec terreur si « on n’est pas près d’arriver à un état où aucune propriété ne sera plus en sûreté, et où l’ar gent et la liberté seront à la merci de la plus mau vaise fraction de la population. » Voici ce qu’un grand journal démocratique pense du mouvement communeux où il plaît au prince chancelier de l’em pire nouveau de voir une aspiration vers l’idéal prus sien....

À propos

Lancé en 1868, Le Français était un quotidien à la fois catholique et libéral. Tirant à seulement 4 000 exemplaires, son lectorat est toutefois toujours resté très limité. Absorbé par Le Moniteur universel en 1887, le directeur du Français publie néanmoins quelques numéros en indépendant jusqu'en 1898, afin de conserver la propriété du titre.

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