Extrait du journal
qui s’impose, quel que soit demain le parti qui s’offre ou qui consente à accepter la charge de constituer le définitif, ce parti s’isolera de tous les antres partis. Ayant seuljrelevé la gageure, ayant seul assume là responsabilité, il se trouvera ' fini eu face de son œuvre*au milieu de rivaux désintéressés, boudeurs ou irréconciliables. Or cette œuvre, quelle est-elle ? consiste-t-elle simplement à diriger le moins mal possible une machine bien réglée? consiste-t-elle simplement à administrer avec honnêteté, à gouverner avec prudence, ou même avec habileté? Non : cette œuvre, c’est la liquidation du passé, la liquida tion de 20 ans d’empire et de 10 mois de guerre. C’est la réorganisation politique, militaire, fi nancière, administrative ; c’est la reconstruction de l’édifice social, lézardé, éventré, chancelant sur ses bases. C’est enfin l’œuvre écrasante qui incombe aujourd’hui au provisoire, et pour la quelle justement chacun sent que ce n’est point trop, que c’est à peine assez, des forces réunies de toute la nation. Quel parti aurait donc aujour d’hui la puissance, quel parti se sentirait le cou rage d’entamer seul et de mener à bien, à l’écart, à l’exclusion même des autres, cette entreprise formidable? Ce parti, nous le cherchons en vain. Nous ne le rencontrons nulle part, et quoi d’étonnant? Lors même qu’au sein de chacun des deux grands courants qui partagent le pays nulle di vergence, nulle déperdition de forces ne se lais serait apercevoir, aucun des deux ne serait de soulever sans l’autre le fardeau des affaires publiques. Mais, ce n’est un secret pour personne que cette unité dans le fractionnement n’existe même pas. Jusque dans les deux grandes divisions politiques qui portent les deux noms de République et de Monarchie, nous distinguons nettement des subdivisions pro fondément tranchées. Quel que fût donc à un moment donné celui des deux systèmes qui l’em portât sur l’autre, il trouverait dans son propre sein des pierres d’achoppement. Républicains aussi bien que monarchistes se heurteraient dans leur propre camp à des dissidents qui ne seraient ni les moins embarrassants ni les moins dange reux de leurs adversaires. Où seraient, à ce compte, les avantages du définitif? Où serait le calme, où serait le repos, où serait la sécurité ? Avec quelle confiance dans l’avenir l’opinion publique verrait-elle une mi norité entreprendre ce qui semble aujourd’hui excéder les forces de l’unanimité de la nation? La faiblesse d’un tel gouvernement ne serait, hélas ! un mystère pour personne ; elle éclate rait chaque jour, à enaque heure, à chaque in cident, manifeste, isolante, incurable. Et ainsi non seulement lo définitif n’aurait pas la soli dité, — qui est le plus clair de ses avantages, — mais il n’aurait même pas cette apparence trom peuse de solidité qui parfois, depuis quatrevingts ans, a suffi à faire croire à la foule que l’ère des révolutions périodiques était enfin fer mée, et a ainsi permis l’essor momentané de l’industrie, du commerce, de la richesse natio nale. Non seulement il ne serait pas stable, il ne le paraîtrait même pas. Le définitif, en un mot, serait aux yeux de tous aussi précaire, plus pré caire peut-être que le provisoire. On arrive donc forcément, et malgré qu’on en aie, à cette inévitable conclusion, que seul aujourd’hui le provisoire est possible. Lui seul, en elfet, n’étant pas l’œuvre isolée, calculée d’un parti qui s’impose, mais étant la résultante nécessaire à la fois des cir constances et des volontés les plus diverses, lui seul n’exclut aucun parti, ne repousse aucun individu ; lui seul n’élimine ou ne laisse perdre aucune des forces de la nation ; lui seul enfin favorise, appelle, rend nécessaire cette union intime, ce concours actif de toutes les opinions, de tous les citoyens, qui seuls peuvent aujour d’hui nous permettre d’agir dans la plénitude de nos moyens, de nos ressources et de nos es pérances. Voilà ce qu’est, ou ce que doit être le provi soire. Voilà jses avantages essentiels, incontes tables. Ces avantages, nous les offre-t-il aujourd’hui dans toute leur étendue? Le ministère actuel est-il fait pour fonder et maintenir cette union de tous les honnêtes gens, ce concours de tous les partis où nous avons vu et la raison d’être de ce provisoire, et la première condition de notre salut? Telle est la grave question qu’il nous reste à examiner et à résoudre. Eugène Aubry-Vitet....
À propos
Lancé en 1868, Le Français était un quotidien à la fois catholique et libéral. Tirant à seulement 4 000 exemplaires, son lectorat est toutefois toujours resté très limité. Absorbé par Le Moniteur universel en 1887, le directeur du Français publie néanmoins quelques numéros en indépendant jusqu'en 1898, afin de conserver la propriété du titre.
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