Extrait du journal

D'intéressants essais d'illuminations par projections viennent d'avoir lieu place de la Concorde, en présence du préfet de la Seine, de M. Paul Léon, directeur des Beaux-Arts, et des architectes de l'Etat et de la Ville. Cette intéressante tentative avait pour objet de réaliser une sorte de répétition générale pour les éclairages esthétiques et, dans une certaine mesure, architecturaux, que les ser vices de l'administration, méditent d'inaugurer, le 11 novembre prochain, date commémorative de l'armistice, sur la perspective magnifique qui honore à jamais le nom de Gabriel. La pensée, noble et belle, est d'ailleurs inspirée par l'exemple d'autres capitales ou cités importantes ; Venise, Cologne, Berlin, Washington, notamment, pavoisent de clartés savamment combinées leurs principales artères, lors des fêtes nationales, et prennent soin d'accorder l'éclat, la réverbération et la valeur des reflets lumineux à l'harmonie préétablie des lignes et des silhouettes de pierre. Pour la France, ce sera, le dimanche 11 novembre, une innovation. Les essais auxquels ont vient de procéder prirent pour thème la grande façade du minis tère de la marine, celle de l'Automobile-Clllb, le cortège des Villes, l'Obélisque, les chevaux de Marly. L'épreuve a permis de se rendre compte d'un nombre appréciable d'imperfec tions qui, si elles n'étaient supprimées, nui raient gravement à la majesté imposante et élégante de l'ensemble voulu. 11 faut prendre bien garde, en effet, aux oppositions trop brusques, trop soulignées, d'ombre et de lumière. C'est ainsi qu'en ce qui concerne, par exemple, l'angle de la rue Saint-Florentin et de la place, on constata un contraste heurté, et non nuancé, entre le bas de l'immeuble et la colonnade plongée dans un reflet cru. Le but à atteindre est le suivant: découpage, sans dureté, sur le fond du paysage nocturne, des parures immobiles qui superposent leurs plans, leur finesse, leur variété et leur disci pline. Les statues offrent de gros obstacles à la netteté adoucie que souhaitent les opérateurs. Pourquoi ? Par suite du degré d'imprécision ou, au contraire, de netteté, de leurs contours, qui se dérobent parfois, dans l'obscurité, à la recherche du champ visuel électrique, ou, au contraire, sont saisis avec un relief dispropor tionné. Il en .est de même, pour d'autres motifs, des monuments, la différence dî présentation des détails et des attributs demandant une mise au point toute spéciale. Par contre, l'Obélisque, net, simple, droit, trouva, dès le premier jet lumineux, sa phy sionomie idéale. Sous le rectangle d'un blanc à la fois mat et vaporeux qui le saisissait de la base au sommet, il revêtait un aspect quasi irréel, mêlé de religion, de mystère et de rêve, comme si quelque échappée lunaire l'avait sou dait} transporté à nouveau sous le ciel égyp tien, et isolé au bord du Nil. Les deux bassins de la place de la Con corde, avec leurs sirènes, naïades et tritons de bronze et leurs jeux d'eau ne furent pas éclairés, l'autre soir. L'effet décoratif en sera cependant prestigieux, quand on aura pu fixer la mise au point des projecteurs sur cet aspect de grand art urbain à la fois inanimé et mou vant. Puisque, d'après les renseignements que l'on nous a fournis, l'essai fut satisfaisant, il est à prévoir que, le 11 novembre, les foyers invi sibles de la lumière architecturale se promè neront de la Madeleine au Palais Bourbon. On a calculé que la dépense approximative serait de mille francs l'heure pour une con sommation de huit mille ampères. Sans doute, si la réussite est parfaite, des crédits seront-ils ultérieurement votés par le conseil municipal pour assurer, périodiquement, la féerie que noiis devrons, pour son début, à de généreuses initiatives privées. Xavier d'Orfeuil. ....