Extrait du journal

Le matin de ce 1er mai, qu'on appelle par dérision la fête du travail, et qui est bien réellement la fête de la sottise méchante, nous étions sans journaux comme sans courrier. Nous avions l'impression d'être séparés du monde. Et c'était exactement ce qu'avaient souhaité les orgànisateurs de cette brimade stupide. Machinalement et sans grand espoir, nous prîmes le récepteur de notre téléphone. Presque aussitôt, presque plus tôt que de coutume, le réglementaire « j'écoute » qui se dit, en langage parisien j'écule retentit agréablement à nos oreilles. Les demoiselles du téléphone étaient leur poste. Elles y sont restées toute la journée. Tandis que les facteurs, chargés de distribuer nos lettrés, ne. trouvaient aucun moyen de nous tes faire parvenir, elles trouvaient, elles, le moyen de nous mettre en communication: Les taxis, dont on voit, depuis la hausse des tarifs, s'aligner aux places deîongues ffles mélancoliques, n'avaient pas osé sortir. Autobus et tramways ne circulaient que grâce à la bonne volonté ,de conducteurs bourgeois. Les .grands (magasines et d'autres plus petits avaient 'jugé bon de fermer, et les restaurants tenaient leurs portes soigneusement closes, Mais les demoiselles du téléphone étaient là. Elles étaient un peu là. Grâce à elles, nous avons pu causer avec nos amis, donner et recevoir quelques nouvelles, échapper à cette fâcheuse obsession de l'isolement....