Extrait du journal

Ce sont les bouquinistes qui confèrent aux quais leur caractère le. plus pittoresque. Ces modestes marchands de 'science font partie du décor au milieu duquel ils vivent par tous les temps. Leur présence est discrète aux visiteurs habitués et, dans leurs casiers pareils à de grands pupitres rugueux, la patience du chercheur trouve parfois, pour un prix modique, l'édition longtemps espérée. Sur le fleuve lui-même, toute une vie, qui semble en marge de celle de la ville, s'agite incessamment. Lourds chalands chargés de car gaisons diverses, bateaux plats qu'une famille de mariniers a tendus de linges flottants, travail des chargeurs sur les rives, sifflements mugis par des cheminées noires, embarcadère des bateaux de Suresnes où, ' par les beaux dimanches, les Parisiens, pressés sur ia coque verte, vont vers les coteaux boisés de Meudon et de Saint-Cloud. C'est du pont des Arts, comparable à un pont de navire, que le regard embrasse la plus heu reuse perspective. Les magasins de curiosités, de gravures échelonnent leurs vitrines au rez-de chaussée des vieux hôtels à balcon de fer forgé, les architectures historiques se découpent en pro fil, semblant nous faire signe, et leur harmonie contraste avec les fumées de Bercy, derrière la gare de Lyon lointaine. L'allure des passants est vive, sans fièvre : ouvrières en course, Anglais munis de leur Guide entr'ouvert, universitaires de !a rive gauche, un membre de l'lnstitut, par fois. Et, sur toute chose, le vent, imprégné de pensée humaine, qui circule au cœur de Paris. Gaétan Sanvoisin...