Extrait du journal

S'il est dans la destinée de la république d'avoir un gouvernement, il faudra que ceux de ses partisans qui ont à cœur cette haute ambition se résignent à prendre nettement parti contre les mauvais instincts qu'elle porte en elle. Depuis quarante ans qu'elle occupe la place, il ne s'est rencontré qu'un homme pour reconnaître cette nécessité. C'est Jules Ferry qui prononça, en des temps moins.troublés que les nôtres, cette parole fameuse « Le péril est à gauche! » Quel péril? Le péril d'anarchie qu'il voyait déjà poindre de toutes parts. Il accusait ainsi les partis extrêmes qui sont des anarchistes en devenir, et il voyait juste. Mais, en bonne justice,il eûtdû commencer par s'accuser lui-même car il fut le principal initiateur de la démocratie républicaine au matérialisme dévastateur qui a livré peu à peu la société et l'Etat aux assauts de l'anarchie. Il est un peu tard sans doute pour obliger la république à remonter la pente qu'elle a descendue. Les vices dont elle se meurt sont en quelque sorte incorporés à son essence, et elle ne pourrait guère tenter de s'en guérir sans condamner sa propre famille au suicide. Il ne faut rien de moins cependant pour..la sauver de la décomposition générale où elle se dissout. Il y a des épurations qu'il lui est nécessaire d'accomplir, et au premier rang de ces tares familiales, se place son instinctive horreur de l'armée et des vertus militaires qui sont son honneur et son viatique. Comparez l'âme républicaine de 1792 à celle qui anime les radicaux et les socialistes de notre temps. Le contraste qui ressort de ce rapprochement ne pourrait se traduire que par des points d'exclamation. Autant les républicains de la Convention étaient, en leur ridicule et criminelle enflure, ardents patriotes, fanatiques d'honneur et de gloire militaire, autant les néorépublicains sont bassement matérialistes et seulement asservis aux plus basses suggestions de la bête humaine. Aussi le régime qu'ils ont façonné est-il plat et vil à faire envie à une limace. Aucune passion noble ne vibre en eux aucun idéal n'illumine leur esprit, et ne gonfle leur cœur. Ce sont des déchets d'humanité qui ont réduit la république et son gouvernement au service des appétits les plus grossiers et des plus vulgaires passions de la démocratie....