Extrait du journal
L'alliance intime, offensive et défensive de la Prusse et de l'Autriche, a joué contre nous, au cours de cette guerre, dans des conditions qui ont incontestablement fort alourdi notre tâche. Elle constituait cependant un des contrats les plus paradoxaux qu'on ait jamais connus. Une inimitié séculaire séparait les deux peuples qui, an cours du dixseptième siècle, n'avaient cessé de se chamailler et de sé battre. L'un, fort de la prééminence politique que lui donnait la possession de la couronne âmpériale, entendait, faire de cette prééminence quelque chose d'effectif et de réel. L'antre, conduit par des Princeps aux appétits toujours inassouvis et dénués, de toute vergogne, ne songeait qu'à s'étendre au détriment des voisins. Cependant, un premier crime, commis en commun, les avait rapprochés, et une égale haine pour la France souda leur accord jusqu'à la chute de Napoléon. Mais l'ancienne zizanie ne tarda pas à apparaître et finit par les dresser l'un contre l'autre lorsqu'il fallut s'adjuger les profits de cet odieux attentat que fut la guerre contre le Danemark. Il y »ut alors entre eux un choc violent sous lequel, à l'étonnement de tous, l'Autriche succomba. Mais, grâce au génie pervers de Bismarck, ce qui semblait devoir les séparer pour toujours fut précisément ce qui les rassembla. 'Le 22 juillet 1866, les armées prussiennes victorieuses étaient engagées sur les routés de Vienne et de Prèsbourg et menaçaient ces deux villes. Un combat était même engage à Blvnmenau dont l'issue s'annonçait favorable et allait ouvrir au prince Frédéric-Charles les portes de-la Hongrie, lorsqu'un armistice de cinq .jours vint l'interrompre tout net. A l'instigation de l'empereur Napoléon III, des conditions avaient été proposées, que l'Autriche acceptait, et qiui, laissaient à la Prusse, comme Bismarck l'a écrit, tout ce dont elle avait besoin, c'est-à-dire la liberté de ses mouvements en Allemagne ». Le chancelier, qui, de l'avis même de Moltke, jaugeait scabreuse l'opération de Presbourg, les acceptait. Il avait des idées de derrière la tête. Il voulait ménager son ennemie actuelle, dont il entendrait sè servir plus tard, quand il serait amené, comme il le pressentait, à déchaîner une autre guerre pour consolider les résultats de celle-ci. Il tenait, comme il l'a dit lui-même, à éviter des .Souvenirs blessants, qui eussent porté ombrage à sa politique ultérieure. Et c'est pourquoi il venait de faire accepter l'armistice, gagnant ainsi la première manche. Mais la seconde paraissait beaucoup plus difficile à enlever. Le parti militaire, en effet, ne se satisfaisait point d'un demi-triomphe, et le Roi, que les fumées de la gloire avaient pris davantage. Le 23 juillet, un conseil de guerre fut tenu dans 'la. maison que le chancelier, malade, occupait à Nicholsbourg, où se trouvait le grand quartier génér al. « J'étais, racon,te-t;il, le seul civil en uniforme. J'exposai qu'il fallait conclure la paix sur la base des conditions offertes par l'Autriche, mais je restai seul de mon avjs .le Roi se rangea à celui de la majorité militaire. Mes nerfs ne résistèrent pas aux impressions qui m'agitaient nuit et jour je me levai en silence, passai dans ma chambre à coucher voisine et y fus pris d'une violente crise de larmes. J'entendis pendant ce temps que le' conseil se séparait. » -Bismarck pleurant, voilà le sujet d'un tableau de guerre qui serait assuré d'un joli succès de curiosité. Il est vrai que les crocodiles versent des larmes quand ils se voient privés de leur proie. Du moins, on le prétend. Toujours estij que 'le chancelier essuya bientôt ses yeux, si tant est que ceux-ci aient vraiment été mouillés, et se rendit chez son maître, un mémorandum, qu'il venait d'écrire, à la main....
À propos
Lancé par Edmond Tarbé des Sablons et Henri de Pène en 1868, le journal de droite Le Gaulois se définit comme un « journal des informations du matin et moniteur de l’ancien esprit français ». Sans surprise, son lectorat, assez limité, appartient essentiellement à la grande bourgeoisie. En 1929, le journal est absorbé par Le Figaro.
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