Extrait du journal
| _II n'y avait pas d'homme plus gai que Fénélon, qui fut un prêtre admirable. Qui sait si ce n'est pas aux hommes dont le métier est d'être gai que la gaieté est le plus difficile ? Ces hommes sont les bouf fons de tout ordre, chanteurs de cafés concerts, pitres, clowns, forains, "faiseurs de parades ; puis, dans un ordre plus re levé, les acteurs comiques ; et, enfin, les écrivains plaisants. Pour les premiers, sans parler du lot ordinaire des chagrins qui les atteignent comme les autres hom mes, la vie de chaque jour est pleine d'in certitudes. C'est bien joli, dans les livres, le Roman comique du cabotinage infime, le petit drame du saltimbanque qui dresse ses tréteaux et gagne sou dîner ou non, selon la verve de son boniment... Mais, dans la pratique, tous ces errants sont des malheureux, dont la vie est soumise à mille hasards. La voiture ambulante, si pittoresque qu'elle a séduit jusqu'à un homme fort riche qui a voyagé dans rsa « roulante », comme on navigue sur son yacht, ne vaut pas le foyer le plus humble et ne le rem place pas. Malade, le saltimbanque n'a de lit qu'à l'hôpital. Ce n'est pas une perspec tive gaie : et combien le paysan, qui a toujours un home, est pins heureux ! Pour le comédien « gai », il peut lui ar river et c'est encore l'exception de n'être pas préoccupé de son avenir. Dans la plupart des cas, cette pensée le hante : « Si je n'allais plus être drôle? » Et nous eu avons vu, de vieux comiques, qui n'étaient plus drôles et dont les grimaces retardataires fendaient le cœur t Puis il y a toujours pour l'acteur, même bien payé, les terribles soucis de la profession, les jalousies féroces, toujours grandissan tes dans ce milieu du théâtre qui grossit tout. Ajoutez à cela l'esclavage profession-. nel, qui est horrible. Le comique n'a pas droit à la tristesse, pas même àla mauvaise humeur. Quand on frappe les trois coups, il faut qu'il prenne une apparence joyeuse. Il fautqu'il « fasse un sort » à des mots de vaude ville ou de féerie. Si parfois, souvent même, il est de triste caractère à la ville, sombre et chagrin, il me semble qu'il prend une revanche à laquelle il a quel que droit... Mais celui que je plains davantage, parmi ces forçats de la gaieté, c'est l'écri vain gai. Il me semble que, pour adopter ce genre et s'y confiner, il faut abdiquer je ne sais quoi de soi-même. Le métier d'a museur, s'il exige un grand art d'ouvrier, dénote une singulière indifférence. Hé quoi ! tous les jours... Les jours où l'on pense au pays ; les jours où l'on devrait s'indigner, les jours où l'on songe aux morts qui vous font ces mystérieuses visites des invisibles aux vivants, les jours où se rouvrent les vieilles blessures du cœur, rire et faire rire? Je n'imagine pas une pire condition. Et il me semble que ce que j'ai gardé de gaieté me vient, comme aux prêtres et aux médecins, d'un naturel besoin de détente et do repos, dont je ne connaîtrais pas la facile douceur si le malheur avait voulu que j'eusse un mé tier joyeux 1 SCARAMOUCHE...
À propos
Lancé par Edmond Tarbé des Sablons et Henri de Pène en 1868, le journal de droite Le Gaulois se définit comme un « journal des informations du matin et moniteur de l’ancien esprit français ». Sans surprise, son lectorat, assez limité, appartient essentiellement à la grande bourgeoisie. En 1929, le journal est absorbé par Le Figaro.
En savoir plus Données de classification - gladstone
- spuller
- tirard
- georges berger
- boulanger
- millerand
- laisant
- lockroy
- thévenet
- berger
- paris
- france
- derby
- tarbes
- stuart
- tours
- angleterre
- belgrade
- vaucluse
- croy
- grand prix
- union
- drouot
- union postale
- m. j
- s. g.
- ordre des avocats
- la république