Extrait du journal

Ces sentiments sont bien humains, et, les peuples ne valant guère mieux que les hommes, il est tout naturel qu'ils se jalousent secrètement ou ouvertement, soient enchantés des.mécomptes de leurs rivaux, et en arrivent à oublier, dans la satisfaction des catastrophes contemplées, le proverbe: Jloclie militeras tibi. Au jourd'hui moi, demain toi. Après la satisfaction de guérir, il n'est pas de plaisir plus grand,pour un malade, que celui de voir souffrir du même mal que lui son voisin d'hospice. Cela lui tient compagnie. Et, lorsque deux moribonds sont côte à côte, je ne jurerais pas que la joie de rester le dernier en vie ne pro longeât pas de quelques instants l'exis tence de celui qui voit emporter l'autre. La comparaison, heureusement, est ex cessive ; car, si l'Angleterre et la France soutirent à cette heure, elles ne sont point agonisantes. Il faut avouer que l'Angleterre mérite bien un peu nos rancunes, et que son égoïsme, admirable et toujours en éveil, est fait pour agacer même des artistes comme nous, qui passons notre vie à prê ter notre concours à nos voisins dans l'embarras; qui organisons volontiers, pour les tirer d'affaire, des représenta tions à bénéfice, où gronde le canon, où coule notre sang, et qui, bien loin de ré clamer un cachet, des frais de voitures ou de gants, n'obtenons pas même un simple remerciement. L'Angleterre étant partout, en quel que endroit que nous poussent les fan taisies coloniales de M. Ferry, nous nous heurtons à elle, et elle ne fait rien pour adoucir les contacts, oh! non. Il semble rait que s'annexer, n'importe où, unepail lotte de nègres soit commettre un vol à son détriment, et qu'elle se soit mis en tête de garder les continents et les îles, comme les barons de la finance font gar der leur chasse aux environs de Paris. Il n'est pas permis de couper un bambou dans un delta quelconque sans voir surgir un garde sous la forme d'un consul à fa voris roux qui proteste et menace d'aller chercher un gendarme, c'est-à-dire un cuirassé. Mais avouons aussi que, dans cette question d'Egypte, ce que nous pardon nons le plus difficilement à l'Angleterre, ce sont nos propres fautes, et que,si nous avions eu.pour ministres autre chose que des mazettes,il y a quatre ans, nous n'au rions pas perdu, sur les bords du Nil, la...