Extrait du journal
Je suis ministre. C'est convenu d'hier avec mon groupe. Je suis minis tre 1 C'est curieux : je croyais que ça me ferait plus de plaisir. L'Officiel n'est pas encore arrivé ? Hum t hum ! il me semble que j'ai meilleure mine, ce ma tin. L'ivresse du pouvoir ! Mes électeurs seront contents. Ils me reprochent tou jours de ne jamais parler. Est-ce que c'est nécessaire de parler ? Au contraire, c'est nuisible. Gambetta, qui parle tou jours, n'est plus ministre. Et je le suis, moi qui ne parle jamais. Huit heures! L'Officiel doit être arrivé. (Il sonne ; la femme de chambre entre.) LE NOUVEAU MINISTRE Donnez-moi le Journal officiel. , ' LA FEMME DE CHAMBRE Je l'apportais à monsieur, avec le li vre de la semaine. LE NOUVEAU MINISTRE Pourquoi le livre de la semaine ? LA FEMME DE CHAMBRE Parce qu'il m'est impossible de rester au service de monsieur. Après ce que monsieur vient de faire, je ne trouve rais plus de place nulle part si je restais au service de monsieur. LE NOUVEAU MINISTRE Insolente ! Je vous chasse. Allez-vous en, tout de suite ! LA FEMME DE CHAMBRE Je ferai mes huit jours! (Aigre) Mon sieur n'est pas sûr d'en faire autant. (Mlle sort.) LE NOUVEAU MINISTRE Les basses classes deviennent 'd'une impertinence! Le flot delà démagogie... heureusement, je suis là. (Il ouvre l'Of ficiel.) « M. Ni'codème Durand, député des Trois-Sèvres, est nommé ministre de... » C'est ma femme qui va être con tente ! MADAME, entrant. Ah ! çâ, mon cher, cruelle plaisanterie m'a donc racontée la femme de cham bra? LB NOUVEAU MINISTRE Une plaisanterie ? Je ne comprends pas ma bonna amie. MADAME Est-il vrai que vous soyez ministre? LE NOUVEAU MINISTRE, d'un air fat. Tu n'as pas voulu le croire... C'est parfaitement vrai, ma bonne amie... Tiens, lis l'Officiel. MADAME, après avoir lu /'Officiel Ecoutez, Nicodème, je ne veux pas que vous soyez ridicule. Vous allez en voyer votre démission. La vie ne sera plus tenable. Tous nos amis vont se moquer de nous. Vous acceptez d'être ministre à l'élimination ! Bien sûr on a dû les tirer au sort pour que vous soyez nommé ! Savez-vous ce que m'a dit la femme de chambre tout à l'heure ? « Qu'est-ce que monsieur a bien pu faire pour en arriver là !» Et moi qui porte votre nom, je consentirais à... Si vous n'envoyez pas votre démission, je me retire dans .ma famille. Avant que le nouveau ministre ait pu répon dre, on sonne àla porte de l'appartement. C'est un garde de Paris qui apporte un pli officiel ; on l'introduit. LE GARDE DE PARIS Une convocation pour... (il sourit.) pour monsieur 1e... (IL sourit un peu, plus.) monsieur... le nouveau ministre. (Il éclate de rire.) LE NOUVEAU MINISTRE, le sourcil froncé. Pourquoi riez-vous? LE GARDE DE PARIS , Je demande pardon à monsieur le nouveau ministre. C'est le lieutenant qui m'a dit tout à l'heure : « Portez ce pli à monsieur le nouveau ministre. Pauvre homme ! il doit être bien en nuyé... » LE NOUVEAU MINISTRE, agacé. C'est bien. Allez. (Le garde sort.) MADAME, triomphante. Qu'est-ce que je vous disais, Nico dème? La femme ae chambre, c'était la voix du peuple. A présent, c'est la voix de l'armée ! (Elle se jette à ses genoux.) Je t'en supplie, donne ta démission. .(Ouvrant une porte de côté.) Venez, mes enfants, venez, créatures innocen tes, et demandez à votre père de ne pas v©us eoivrir de ridicule !...
À propos
Lancé par Edmond Tarbé des Sablons et Henri de Pène en 1868, le journal de droite Le Gaulois se définit comme un « journal des informations du matin et moniteur de l’ancien esprit français ». Sans surprise, son lectorat, assez limité, appartient essentiellement à la grande bourgeoisie. En 1929, le journal est absorbé par Le Figaro.
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