Extrait du journal

Oui, un bourgeois. Je ne m'en dédis pas, et qui plus est, un bourgeois, fils de bourgeois. Mme Henry mère a beau, aujourd'hui, exercer le modeste métier de cabaretière, son mari n'en a pas moins été directeur de mines en Espagne. Il a commandé à des «miséreux )). Qu'il ait fait ensuite de mauvaises affaires, soit par impéritie, soit simplement par malechance, la détresse qu'il a connue ensuite a été la misère en habit noir. En tout cas, ses enfants, le lanceur de bombes tout le premier, ont reçu une instruction bourgeoise, car il va de soi qu'un bachelier ès sciences est un bourgeois, qu'un candidat admissible a l'examen écrit de l'Ecole polytechnique s'intitulant prolétaire ferait rire de lui, à l'instar de ces jlagorneurs du peuple en 1848, qui se déclaraient sur les afnehes «ouviiers de la plume)), sous prétexte qu'ils rédigeaient des journaux rouges. Mais ce qui rend les gens de l'espèce d'Emile Henry cent fois plus haïssables que'ies simples artisans comme Vaillant, c'est que l'homme du café Terminus,étant bourgeois, est en même temps et surtout cequ'on appelle familièrement un « raté ):. Or, les ratés, voilà la grande plaie de, tcotre société démocratique, parce que, en général, tout raté suppose un révolté. Cela s'explique de soi, sans grand commentaire. Par une sorte d'instinct inéluctable, un fruit sec s'en prendra rarement a lui-même et le plus souvent à la société des échecs successifs qu'il aura subis a ses examens....