Extrait du journal

d'un vieux Soldat 6A QUESTION D'ALSACE ET DE LORRAINE II n'y a plus, grâce à Dieu, de question d Alsace-Lorraine, autrement dit de pays d'empire allemand Mais il y a encore une question d' « Alsace et de Lorraine ». Ces deux provinces, séparées de nom pendant quarantehuit ans, ont vécu: une autre vie, ont été soumises à des lois différentes des nôtres. Leur attachement à la France les a empêchées de devenir allemandes, mais, semblables à la Belle au Bois dormant, elles ont dormi un demi-siècle et, réveillées par le soldat français, elles se trouvent dans un monde qui leur paraît ressembler peu à celui qu'elles avaient rêvé quand, dans leur pénible sommeil, elles rêvaient de la L'Alsace et la Lorraine, si enthousiasmées il y a dix-huit mois de redevenir françaises, éprouvent la même chaleur de coeur pour la patrie retrouivée, mais la clairvoyance de leur sens pratique voit nettement les défauts de certaines de nos institutions et les trouvent, surtout dans leur fonctionnement, très inférieures à l'administration allemande à beaucoup de points de vue. L'administration, beaucoup trop centralisée, est trop tatillonne, trop amoureuse de la paperasserie. Débordée d'ouvrage par suite du nombre infini de questions que, jalouse de son pouvoir, elle veut traiter seule, elle laisse traîner indéfiniment les affaires. Quand lés Allemands étaient là, disent les Alsaciens et les Lorrains, neuf fois sur dix à nos demandes on répondait non, niais on répondait tout dé suite. Avec les Français, changement à vue complet. Si vous écrivez, ou bien on ne vous répond pas, ou bien, si vous êtes appuyé, on vous répond qu'on s'occupera sans retard! de l'affaire, et on ne s'en occupe pas. Si vous vous dérangez, on vous .renvoie de bureau en bureau, très poliment, mais en vous disant que le voisin seul peut quelque chose pour vous satisfaire. L administration ne* manque certes pas dé bonne volonté, niais elle est incapable die mener à bien la besogne immense qu'elle assume. A qui la faute? D'abord, au personnel politique, envoyé dans les provinces désannexées. Il n'est pas préparé à sa tâche. Recruté au hasard des protectisons et sans garantie suffisante d'instruction et d'expérience, il a été déformé par le métier de politicaillerie qu'il a dû trop longtemps faire en France, sous le sceptre des loges maçonniques. Expert à préparer les élections, à faire triompher ses candidats, à répartir les prébendes suivant les désirs aeg délégués, il n'est pas administrateur.' Grief plus grave, le personnel a peur de tout, du ministre, du député, du sénateur, du délégué, du représentant de la C. G. T. il craint toutes les responsàbilités il manque d'énergie surtout. Autrefois, on ne connaissait pas en Alsace et en Lorraine la grève violente "dans la rue depuis le retour à la France, la grève est l'état normal. Les mines, les tissages et surtout les services municipaux et publics quittent le travail sous le plus léger prétexte, au grand détriment du pays. Perpétuellement, les citoyens sont privés de lumière, d'eau, de moyens de transport. La liberté du travail est devenue un leurre. Dernièrement, en Alsace, on a pillé des cafés, des hôtels, des magasins, on a maltraité des ouvriers indépendants. Des soviets ont été installés. L'apparition de deux escadrons ,de cavalerie dans les rues de Strasbourg a suffi pour rétablir l'ordre. Riais pourquoi l'avoir laissé troubler ? Dans le Haut-Rhin, le département le plus délicat peut-être à administrer de toute la France, pas de préfet depuis plusieurs mois....