Extrait du journal

Ce vœu, il semblait le formuler déjà dans un sonnet qu'il écrivit pendant la guerre, à Marseille, où il était allé conduire le corps de son père, qu'il avait déposé auprès de celui de sa mère, morte peu de temps auparavant. C'était en 1916, l'année douloureuse. Devant le pays en danger, dans l'angoisse des périls accumulés autour de la France meurtrie, il déclarait avoir compris pourquoi il tenait tant à « cette terre » où il venait de plonger ses « deux racines ». Il y aura bientôt vingt ans, au momént,où il se disposait à mettre L'Aiglon à la scène, Edmond Rostand nous disait qu'il avait été attiré par ia légende du duc de Reichstadt dès sa plus tendre enfance. Il avait sur le mur de sa chambre d'étudiant, à Marseille, au pied même de son lit, une reproduction du portrait célèbre que le peintre anglais Lawrence nous a laissé du fils de Napoléon. Ce portrait lui souriait sans cesse de son air doux et mélancolique. A son réveil, le matin, ses yeux se portaient invariablement sur lui, et quand plus tard l'idée lui vint d'écrire son poème dramatique, il n'avait eu qu'à se souvenir de cette image pour retrouver certaines impressions déjà ressenties et qui allaient se préciser et prendre forme. On peut donc dire que ce portrait fut, sinon le point de départ, du moins lé vague inspirateur du poème. Reconnaissant, Edmond Rostand en a évoqué le souvenir au sixième acte de L'Aiglon, dans la scène émouvante où le duc de Reichstadt fait aux femmes qui l'entourent le doux reproche de ne l'avoir jamais aimé que comme un enfant, un enfant qu'on plaint, qu'on gâte et qu'on défend....