Extrait du journal

En 1892, le ministre italien Crispi re'cevait un jeune député français et avec un cordial cynisme lui disait « Je suppose que vous avez, comme moi, commencé votre carrière politique en prison. Cette étape est nécessaire. On a commencé par médire de tout, des gens et des institutions. On est coffré. Ensuite de quoi on s'approche du pouvoir, en le dénigrant toujours mais, plus on en approche, plus on s'aperçoit qu'il ne .pourrait pas ne pas faire ce qui lui est reproché. Enfin, vous êtes appelé vousmême à gouverner, et vous ne tardez ,'• pas à reconnaître qu'il voue faut agir comme agissaient vos devanciers. J'ai ipassé presque' dix ans en France, sous l'Empire je vivais parmi les républicains qui haïssaient Napoléon III, et qui manifestaient discrèiement leurs sentiiments en collant tête en bas sur leurs 'lettres les timbres-poste à l'effigie impériale. Je parlais comme ces excellents citoyens et je collais mes timbres à leur imitation. C'était du reste le seul acte d'opposition que je pusse me permettre, vu que l'arrêt d'expulsion était toujours suspendu sur ma tête d'étranger. Eh dire que Napoléon III faisait son métier ;selon les règles qui s'étaient imposées à lui, qui s'imposaient à moi et qui s'imposeront à tous ceux qui passeront après moi au pouvoir, car il n'y a, au fond, qu'une manière de gouverner. »...