Extrait du journal

Nos bons députés Nos nouveaux députés vont bientôt re cevoir leur carte de circulation sur les chemins de ter. Mais les nombreux privilèges dont jouissent les représentants ne leur suffi sent pas, paraît-il. L'anecdote suivante montrera jusqu'à quel point vont leurs exigences: Hier soir, à cinq heures précises, un homme de quarante ans environ et vêtu avec recherche, se présentait dans un ma gasin du passage Jouffroy, bien connu des passants oisifs et observateurs. Ce magasin est tenu par Mme veuve A..., dont l'éloge n'est plus à faire et qui, àla bonne grâce la plus exquise, joint une discrétion aimable et souriante. Quand le nouveau client se présenta, Mme veuve A..., touchée par son grand air, ses façons distinguées et ce je ne sais quoi qui dénote un homme aisé, s'offrit à le conduire elle-même. L'in connu accepta avec reconnaissance et lia conversation pendant quelques minutes. Puis on se quitta sur cette excellente im pression. L'inconnu pénétra dans l'inté rieur du bazar, et la patronne retourna au comptoir, se mettre à la disposition de sa nombreuse clientèle. Un quart d'heure ne s'était pas " écoulé que l'inconnu" ressortit, calme et digne. La satisfaction éclatait sur son visage. Il s'approcha du comptoir, salua Mme veuve A..., et fit mine de sortir. Pardon, dit Mme A..., mais vous oubliez... Et du doigt elle montrait une petite affiche où le prix très modéré des consommations était inscrit. L'inconnu se mit à rire. Vous ne savez donc pas qui je suis ? dit-il. Non, monsieur. Et il tira de sa poche un élégant porte feuille, et du portefeuille une carte de dé puté. Voici ma carte. Je suis représentant du peuple et j'ai le droit de circulation partout. • ! i. Une vive discussion s'engagea, Mme veuve A... réclamant son dû, le client arguant de sa qualité de député. Les passants s'attroupèrent : un gar dien de la paix alla chercher le commis saire de police. Ce cas ne s'est pas encore présenté, dit le magistrat. Il faut en référer aux tri bunaux. Après avoir épuisé tous les moyens de i conciliation, il dressa un procès-verbal. Les deux parties signèrent. L'affaire viendra la semaine prochaine àla huitième chambre. Nous tiendrons j nos lecteurs au courant de ce procès, qui I ne manquera pas d'être curieux....