Extrait du journal

; Et le pauvre Adrien Huart, fils de Louis Huart, qui fut l'un des fondateurs du Charivari, Adrien Huart, avec sa phy sionomie calme et tranquille, sa personne un peu étriquée de bourgeois, son intel ligence terre-à-terre, ayant la bonne moyenne indispensable au chef de bureau et voulant, malgré tout, poussé par une influence qui ne se rendait pas compte de la pénurie de ses moyens, se jeter dans la fantaisie littéraire. Vous expliquez-vous les tortures mora les que peut subir un homme attelé à une tâche qui est au-dessus de ses forces ?Le voyez-vous, tournant et retournant en son étroite cervelle les idées qu'il rejette les unes après les autres, cherchant sans pou voir trouver, à l'heure implacable de la copie, et obligé de produire quand même ? Comprenez-vous les anxiétés de cet homme qui a au cœur l'ambition pour lui-même, pour les siens, pour la femme aimée, qui est dévoré du désir d'arriver, et est assez intelligent pour s'avouer à lui-même que ses aspirations sont inu tiles, ses ambitions vaines et son cerveau vide ? Entouré de ceux auxquels le talent où (pour quelques uns) d'heureux hasards ont fait une belle situation, une notoriété qui va grandissante, une vie facile avec la gloire comme objectif, lui, reste là,ignoré, envieux, se consumant en efforts stériles, impuissants. C'est là ce qui mène à la folie ; c'est le cas particulier de Vast; c'est, en général, celui des médiocres qui ont eu la trop haute ambition de se consacrer à l'art et finissent visionnaires, dans un rêve dé ment....