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Le Gaulois, 25 novembre 1922

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Le Gaulois
25 novembre 1922


Extrait du journal

Tout profane que je: suis/ j.'ai passe une-heure très amusante à l'exposition qui vient d'être ouverte au Jardin d'Acclimatation, et où l'on: voit tous les oiSeaux, de basse-cour représentées de la' façon la plus imposante. Dès qu'on entre, on est assourdi par le vacarme. Puis on commence'à examiner les poules importantes, les coqs monumentaux, les" lapins qui. toujours grignotent, couverts jd'un. pelage qui n'attend que leur, mort pour devenir. une fourrure les pigeons queue, de '.paon, qui, avec leur rond de plumes'évasées et toujours en l'air, ressemblent à des volants les canards d'un .volume; lisse et doux, d'un blanc crème et un ,peu jauni, pareils a de grassets mottes dé beurre; On goûte, à retrouver toutes ces bêtes, le même plaisir que si l'on revoyait de vieux masques, les acteurs d'une comé-'dié, connue et familière. Rien n'est plus différent du monde sauvage que celui des. animaux domestiques, Il semblé que l'homme ait déversé sur eux quelque chose de ses ridicules, et qu'il en soit entouré comme d'autant de parodies, de caricatures. Le chat seul a gardé chez nous son indépendance, et .reste un 'fauve au coin, de notre feu. Quant aux autres, ils témoignent qu'on perd bien des- qualités, du jour, où l'on renonce à !une vie dangereuse. Les bêtes sauvages, vivant dans le risque' et dans le péril, ont quelque chose du gentilhomme, et 'de l'aventurier. Elles ne sauraient se permettre d'engraisser, et du reste leur vie. ne. les y. porte guère. Ç'est: par la graisse, au contraire, 'que l'homme, re:tient et avilit ses protégés. Où il n'y ;avait que des animaux, c'est, nous qui faisons des bêtes Dieu ayant créé l'oipeau, .nous inventons la volaille. Quelle différence de l'oie sauvage, dont les:poètes chinois regardent, le soir,- l'aile presque effacée passer dans la brume, à ces !amas de chair tremblotante d'où s'élève un long cou, pourvu d'un bec .toujours criard) Quelle, différence de la tourterelle aux yeux noirs, du ramier mince et qui semble fait pour être lancé à tra¡vers le ciel, à ces gros pigeons qui danid;inént et qui vacillent, d'ans leur habit de bailli leur plumage, du moins, a gardé- toutes les nuances des heures ils n'ont pas renoncé au vol et ils reprennent leur grâce quand ils ne sont plus qu'une écume perdue au fond de l'azur. Mais les oiseaux qui ne volent plus ne 'dépouillent jamais leur apparence comi-' que. Les dindons, avec leurs corps vaste, leur tête saris cervelle, portant pompeusèment leurs. caroncules, ressembleront .toujours à des gens trop vains des décorations qu'ils ont obtenues. On ne peut regarder des poules sàns croire reconnaître les afféteries, les coquetteries, les airs prudes, gourmés ou, au contraire, étourdis et éventés de plusieurs genres de* dames. Pour le coq, la chose est un peu différente parfois on ne voit en eux que le magnifique ̃• motif qu'ils présentint et l'on peut en admirer de superbes à l'exposition dont'je parle, les uns qui ne sont qu'une masse blanche que la crête achève de sa, tache rouge, d'autres d'un noir lustré de vert, d'autres, lés Cochinchinois, vêtus d'un épais, plumage d'ocre, sous lequel ils semblent couverts der chaume l'épaisseur et l'arrangement dé leurs plumes, les couleurs de leur costume font venir à l'esprit les mots de rabat, de pourpoint, de plastron et de baudrier ils ressemblent à des capitaines du XVI ou du XVII0 siècle. Je me rappelle surtout un coq de combat, droit comme' un homme, les pattes hautes, le pas direct, l'œil cruel mais, cela dit, je ne sais pas d'animal qui me paraisse plus chargé de tout le -ridicule masculin rengorgées, avantageux, on n'aperçoit guère dans leur œil Tond qu'une vanité assoupie ou inquiète. J'ai toujours regretté, je l'avoue, qu'on ait pris, de notre temps, l'oiseau- fanfatron pour emblème de notre pays. Napoléon avait meilleur goût, qui n'en voulut pas. 'IL y a quelque chose de souveTain dans les aigles, comme de suave et de suprême dans les lis. « Le; royaume .des lis »; je ne crois pas qu'on ait jamais donne à la France un nom plus doux et plus ressemblant, et il me semble tou>jours voir, quand je lis 'ces quelques mots, la campagne gonflée du •mois, de juin, les cathédrales 'ancrées dans le fond des plaines, la route où passe un jeune cavalier. Toussenel, dans son livre sur les oiseaux, après avoir (protesté très fort contre le choix de l'aiigle, consacre quelques pages enthousiasites, naïves et charmantes, à montrer que c'eet le faucon, par ce qu'il a d'intelligence,1 de ha.rdiesse et' de valeur, qui traduit le, mieux le caractère français. Pour moi, je l'ai déjà dit ici, l'alouette {humble 'et sublime me paraît être la vraie figure, de notre génie. Quant au coq, c'est tout juste l'emblème que pourraient nous attribuer nos calomniateurs. Ce volatile pataud n'a rien de ce quicomment pour représenter Ja France il ne vole ni ne chante; il manque par trop d^élégance il n'est pas assez hautain, et il est trop provocant....

À propos

Lancé par Edmond Tarbé des Sablons et Henri de Pène en 1868, le journal de droite Le Gaulois se définit comme un « journal des informations du matin et moniteur de l’ancien esprit français ». Sans surprise, son lectorat, assez limité, appartient essentiellement à la grande bourgeoisie. En 1929, le journal est absorbé par Le Figaro.

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