Extrait du journal
tLe Semeur ,Lo printemps est éclos. Le soleil, comme impatient de le fêter, se. lève plus tôt. Les citadins ne montrent pas Je même empressement ils continuent à: écarter les voiles du sommeil aussi tard qu'en hiver. Ils estiment, sans 1 doute, que le jour leur doit de les saluer, mais qu'ils seraient de plats courtisans en assistant à son réveil. Croiraient-ils donc l'honorer, en resrpectant son repos, mieux qu'il n'épargne le leur ? Ils ont délibérément opté pour les crépuscules qui, entre deux visites, illuminent leur visage ou, il la sortie des théâtres et du¡ souper, pour les clairs de lune qui font luire les toits de la ville. Sans doute, à la; montagne, victimes d'un rite consacré ils se sont extasiés devant les glaciers qu'inonde une rose lueur, évaporée de l'Orient la. mer, ils ont sacrifié une heure d'assoupissement aux plaisirs ce là pèche et, pour suivre la chasse, ils ont,, il, travers les taillis, les champs et tï,; rosée, .mairchë au-devant de la clarté qui monte. lisent, surtaurt, aduniré, dans les expositions, les toiles rayonnante d'une aurore qui ne gêne point 'leur paresse ni n'aveugle leurs regardas éblouis. Dans le décor -familier à leurs divertissements, ils dissertent à loisir sur les béautés Il leur faut, pour goûter f '(existence, trouver la besogne toute faite. Le monde n'est plus qu'une vaste usine, où se brassent les affaires, sont broyées les idées qui se .transforment en titres, ou se confectionne la richesse, se cultive la. jouissance, où sont fondues les ttiuv.reô d'art en monnaie et où se tisse la trame fragile du, bonheur. Il n'y a plus de. saison pour savourer les caprices qu'elle suscite l'artifice crée un nouvel univers. Il n'y a plus d'aurore pour solliciter la fantaisie, plus d'aurore pour ëveiller l'activité. 11 n'y a plus d'aurore :Le printemps est éclos. Le soleil* se lève plus tôt. Les campagnards, ne s'en émeuvent pas ils ont accoutumé de régler leur vie sur ses ordres. Il surgit pré il s'élève lentement. Une coulée d^irgfeht scintille parmi les herbes elle s'y insinue la fraîcheur du firmament pAîe semble la glacer elle se colore elle miroite de reflets d'orés elle progressa par ruisselets sanguins. Tout est ça,lme, tout est silence, tcut est'majesté. '•Èmmitoufflée d'une brume légère comïi\ei un duvet, l'immense boule émerge des profondeurs qui environnent le globe elle s'en détache elle le survole elle fait tomber, dans 'le déferlement d'un voile qui se déchire, une béïnédiction qui purifie l'espace. C'est l'enchantement du miracle, de la résurrection, c'est la lumière. Un cri d'oiseau, le murmure d'une source, quelque soufne glissant sur la plaine, qui fait bruire ;les arbres proches, en célèbrent l'avènement parmi la solitude ravissante. La ¡,vitre d'une ferme, hospitalière au milieu de ce paysage fécond et désert, en reflète les feux rutilants et, sous le ruistellement de rayons qui le frappent, la chemise échancrée sur la poitrine large, tête nue et face halée, robuste puissant, l'homme apparaît et contemple la magnificence du domaine terrestre. A grandes, enjambées, il l'arpente il .va il sa conquête. Fichée dans les mottes grasses, pareille à un squelette sur le terrain après la bataille, la. charrue s'iheline et le valet qui suit atan maître Içt'ïettresse. L'aîfelage blanc et alezan la ttr| ;et, sous l'impulsion d'un rythme fidèle aux lois de la naturel l'oeuvre du renouveau se prépare, avec,la lourde beBagne qui attache les créatures au sol. '̃\h\ sac pendu à son épaule et qui pèse à sou flanc, le semeur, de sa main libre, y puise les graines qu'il jette à droite, à gauches de son chemin. Elles s'éparpillent avec un crépitement de douce averse. Le soc, qui brille et qui escorte le -maître pas à pas, déchire la glèbe, la révulse et recouvre le dépôt sacré. Les pieds alourdis par les masses qui y collent, penchant le bu6te pour s'en arracher, le laboureur et son guide ont l'air de saluer la terre. Alentour, la campagne est grise les branches des poiriers sont en fleurs celles des pommiers bourgeonnent. Il fait presque froid. Le front des paysans ruisselle de sueur pourtant et, les interrogez-vous, leurs prunelles limpides, à l'expression aVisée, sourient malicieusement. Ils savent que le fruit ne peut naître au terme de la journée ils sa.vent qu'il mûrira le moment venu et que les vagues du blé apporteront le pain aux portes de la cHé. Ils travaillent pour le lendemain. Ils ne pensent, aujourd'hui, qu'à leur tâche de] semeur....
À propos
Lancé par Edmond Tarbé des Sablons et Henri de Pène en 1868, le journal de droite Le Gaulois se définit comme un « journal des informations du matin et moniteur de l’ancien esprit français ». Sans surprise, son lectorat, assez limité, appartient essentiellement à la grande bourgeoisie. En 1929, le journal est absorbé par Le Figaro.
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