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Le Gaulois, 28 avril 1924

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Le Gaulois
28 avril 1924


Extrait du journal

Nuit... Minuit... Ciel terne... Vent secouant les nuages... C'était hier la Pâque russe !... J'aurais aimé aller à Saint-Julien le Pauvre voir le tremblant feuillage printanier s'agiter entre deux ogives, ou, rue Daru, entendre la cloche de l'exil pleurer sur' le parfum des cierges... Mais un remords m'a saisi... Un remords, c'est bien le mot, et non pas un doute. Une prière intérieure m'a semblé plus belle et plus digne. J'ai trop d'amis aux yeux tristes, trop d'amies malheureuses, échappés à la griffe des steppes rouges pour accepter de mêler ma curiosité à leur émotion douloureuse. Je laisserai la parole à un témoin matinal: « Ils étaient venus en si grand nombre adorer la croix, ces fidèles qu'un destin capricieux a éloignés de leur patrie, que l'on dut, à la même heure et dans la même église, célébrer trois 1 messes. Un prêtre officia dans la chapelle du caveau, un autre au pied d'un autel dressé dans la cour, en plein vent. » Selon les rites, la procession sort de l'église et bénit au passage le « koulitch » et les « paskha », les gâteaux de Pâques. Puis le ser vice commence. La parole de l'Evangile retentit: « Kristos voskreset » « Kristos voskrese (Christ est ressuscité). Dans un long murmure, la foule répond : t< Voistinou voskrese» (Oui, il est ressuscité), lin par un, les prêtres quittent l'autel; ils vont par la nef répandre la joyeuse nouvelle : « Kristos vos krese. » Et c'est toujours la même réponse : « Voistinou voskrese. » » Soudain, l'office terminé, l'église s'emplit de bruit. Bruit de baisers! C'est la coutume, en effet. Les fidèles s'embrassent trois fois sur les joues. On dit qu'autrefois les gueux eux mêmes délaissaient cette nuit-là leur sébile et réclamaient l'aumône d'un baiser. » Rapidement les fidèles sont rentrés chez eux. Après sept semaines de jeûne, ils vont pouvoir goûter au « Razgovenié » (le premier repas après le carême). La nappe est mise. La dinde rôtie est prête au sacrifice; toute la famille est là, sous là lampe. Ah! mais, pardon! c'est, pour beaucoup, une belle image du temps passé... Hier, bien des exilés se sont réunis dans le décor nu d'un « meublé ». La tasse à thé, ébré chée et amputée, passe de main ,en main. Sur la pendule qui ne marche pas, l'absent, dans son cadre, regarde cette fête comme un mort. Chacun se recueille, mais la brise de cette nuit d'avril est si douce, si doue» qu'elle ne veut porter aux cieux qu'un espoir... »...

À propos

Lancé par Edmond Tarbé des Sablons et Henri de Pène en 1868, le journal de droite Le Gaulois se définit comme un « journal des informations du matin et moniteur de l’ancien esprit français ». Sans surprise, son lectorat, assez limité, appartient essentiellement à la grande bourgeoisie. En 1929, le journal est absorbé par Le Figaro.

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