Extrait du journal

placée d'une façon absolue entre les mains de l’Etat, leuuel la mettait en régie entre les mains des particuliers. Toute la pro priété de l’Afrique, de l’Egypte et de la Sicile, avant et après la conquête des Romains, était anciennement constituée ainsi; et cette constitution avait amené des faits que les historiens n’ont pas compris, parce qu’ils n’étaient pas des juristes assez instruits pour en avoir apprécié les causes. Voici ces faits. On lit en cent.endroits, dans les auteurs, que l’Afrique, l'E gypte et la Sicile étaient le grenier de l’empire romain. Qu’est-ce qu’une pareille phrase veut dire ? que les Romains tiraient prin cipalement leur blé de l’Afrique, de l’Egypte et de la Sicile? pas le moins du monde. Avant de conquérir ces trois pays, les Ro mains avaient du blé chez eux; et la conquête lit changer la campagne romaine et la plupart des plaines à blé de l'Italie en pâturages, pour des causes très simples, et que l'on va compren dre en deux mots. Les rois de l’Afrique, ceux de la Sicile, ceux de l’Egypte, étaient propiiélaires du sol entier de leur pays. Ils l’affermaient par parcelles aux ha bilans, lesquels n'étaient que des fermiers emphythéotiques, cultivant la terre et payant une redevance an nuelle au roi. Les rois de ces pays se trouvaient donc avoir des revenus immenses en grains et en toute sorte de produits de la terre. Quand les Romains les eurent détrônés, ils se mirent à leur place, c’est-à-dire qu’ils devinrent propriétaires directs du sol, qu’ils en continuèrent le fermage entre les mains des habitans, et qu’ils en perçurent les revenus. Voilà comment, par le seul fait ne la conquête, les Romains eurent à recevoir de la Si cile, de l’Egypte et de l'Afrique des grains et des produits du sol en quantité immense, et comment ces trois pays devinrent le gre nier de l’empire. C’est précisément avec ces blés et ees produits, appartenant à la nation, que se faisaient les grandes et régulières distributions au peuple dont parlent les auteurs ; car on ne lui donnait pas seulement du pain, mais encore du vin, de l’huile, de la chaux, des briques, en un mot, à peu près tous les objets de consommation et d’utilité. Ce fait de la constitution sociale de la propriété parmi les an ciens forme la base de leurs institutions, et se retrouve dans leurs lois qui nous sont restées. Les historiens, qui n’ont été générale ment jusqu’ici que des littérateurs, n’ont pas étudié ou n’ont pas compris ces lois anciennes; et c’est jtour cela qu’un fait si consi dérable, si général, si positif, a échappé à tous ceux qui ont fait leur éducation dans les historiens, au lieu de la faire directement dans les auteurs originaux. Du reste, on citerait peu de nations anciennes chez lesquelles la propriété du sol n’ait été primitivement constituée d’une ma nière sociale. Les grands empires de l’Asie étaient ainsi; et c’est pour cela que lorsque Thémislocle, banni d’Athènes, se retira chez les Perses, Artaxerce lui fit présent de la ville de Magnésie pour son entretien. Comment l’aurait-il pu faire , si la ville ne lui eût pas appartenu? En Egypte, le même fait se retrouve, et la Bible nous a consacré la date de son établissement. Depuis Pharaon, qui recueillit Joseph, jusqu’au pacha aotuel, l’Egypte n’a pas changé (le régime ; et le monopole du pacha n’est pas au tre chose que la possession directe du sol, traditionnellement conservée par le souverain....