Extrait du journal

père... époux, et quelle est la femme qui eût voulu de moi, je vous le demande ? Pauvre, laid, gauche, sans esprit, j’eusse fait un triste mari! Heureusement, ma timidité et l’estime du peu que je vaux m’a sauvé de l’humiliation d’un refus. Avec un cœur fendre, une à me ardente et pas sionnée, j’ai dû comprendre que les joies de l’amour m’étaient interdite?, que ma destinée était de vivre seul, sans affection, sans amitié comme la brute ; je me suis efforcé autant que je l’ai pu d’étouffer le feu intérieur qui me dévorait et je me suis résigné... non pas sans mal ! La Guimard regarda le vieillard avec une inexprimable étonnement ; elle n’eût jamais soupçonné le cœur d’or caché sous une aussi grossière enveloppe. Ces paroles si touchantes dans leur noble simplicité étaient fai tes pour gagner cette nature aimante, pleine de dignité et d’élévation* que quarante années d’une vie de courtisane n’avaient pu réussir à faus ser complètement. Elle s’approcha du vieillard, et lui serrant la main avec une vive sympathie : — Vous avez dû bien souffrir alors ? lui dit-elle d’une voix visible ment émue. — Sans doute, j’ai souffert; mais qu’importent mes souffrances? Avec l’Age le feu se consume , les ardeurs de la jeunesse s éteignent sous la neige des cheveux blancs... et, à l’heure qu’il est, je souris nu souvenir de mes chagrins d’autrefois... Mais votre nièce a mis la main sur la plaie, la seule de mon existence bien calme et bien plate : mon isolé ment ! Oh! que u’ui-je uuo fille ! non pas tant pour être aimé d’elle que pour la chérir, employer ma vie à rendre la sienne douce facile, heu reuse !... Je n’aurais jamais eu qu’une ambition, moi, celle d'avoir quel qu’un à aimer ! Ce n’eiait pas trop demander au ciel qui m a pourtant refusé l’accomplissement de ce beau r êve ! — Qui sait? fit Zacharie en s’approchant de lui. Grinsot, frappé de l’accent avec lequel ces paroles avaient été articu lées, fixa ses petits yeux gris sur elle, et sembla attendre un commen• taire au chimérique espoir que ces deux mots paraissaient lui laisser. — Mon ami, reprit-elle après une pause durant laquelle el’c s’était efforcée de réunir tout son courage, vous accusez le ciel de tous avoir condamné à un éternel isolement; vous auriez voulu, et c’eût été votre seule ambition, dites vous, avoir un enfant à chérir; si ce souhait, le ciel le réalisait enfin?... — llélas! ce n’est pas possible! — Grinsot, cette fille qui peuplerait votre solitude et pourrait être par son inaltérable affection le charme de vos vieux jours, en bien! elle est là, prête à se jeter dans vos bras, si vous les lui ouvrez!... — Quoi ! mademoiselle!... — Frète à vous suivre partout où il vous plairait d’aller !... — Zacharie ! Zacharie! s'écria Mlle Guimard. mais vous êtes folio !... j moi, votre tan, vous me quiit 'irez donc !... Mai?, ingrate enfant, ous...