Extrait du journal
PARIS, 7 NOVEMBRE. La France est généralement persuadée que les députés qu'elle nomme, et qu’elle envoie tous les ans à Paris, y vont pour trai ter les affaires du pays : ceux-ci pour exposer les causes qui em pêchent l’agriculture de se développer, ceux-là pour attirer l'at tention du gouvernement sur les besoins du commerce ; en un mot, lorsque les collèges électoraux ont fait leur choix, et -qu’ils se séparent, chaque électeur rentre chez lui, persuadé que son représentant va discuter les intérêts réels et sérieux du royau me. C’est là une naïveté honnête, qui mérite une couronne de roses blanches, signe de la candeur, à ceux qui s’y laissent aller; mais il faut bien se résigner à ôter de devant ses yeux les écail les des illusions, et à voir les choses dans leur réalité, quelque ridicule qu elle puisse être. Les députés que la France envoie à Paris y viennent pour y jouer dans la grande comédie annuelle, au bénéfice de cinq ou six génies secondaires sans importance par eux-mêmes,et qui ne sont pas fâchés de s’en donner une d’emprunt. Du reste, quant aux inté rêts sérieux et ui gens du pays, il n’en est pas question. Qu’est-ee que font ces intérêts aux grands patriotes qui déclament par pro fession et par caractère, et qui sont persuadés que pourvu que le peuple chante la Marseillaise, il n’a plus rien à demander? La session prochaine de la chambre semblait s’annoncer com me devant donner satisfaction à de grands intérêts laissés en souffrance. On parlait des chemins de fer, qu’une intrigue avait ajournée il y a trois ans, et que la nécessité des choses ramenait en première ligne dans les légitimes préoccupations du pays. On parlait de notre navigation marchande, compromise dans ses im menses relations avec les Antilles, par la dépréciation qu’une concurrence ruineuse fait subir, sur le marché métropolitain, aux denrées coloniales; et Von espérait que l’esprit public, détourné enfin des misérables querelles de cabinet, se préoccuperait avec ardeur et avec fruit du sort do ceux qui produisent et du sort de ceux qui vendent, c’est-à dire de l’agriculture, des industries et du commerce, et de leurs auxiliaires naturels, les communications du dedans et celles du dehors. Mais, hélas ! nous voilà bien loin de compte; car nous retombons plus que jamais dans le gâchis des intrigues et dans les menéesdes ambitions de bas lieu. Maintenant, il ne s’agit plus de chemins de fer, ni de naviga tion, ni de commerce, ni d’agriculture; il s’agit de ha seconde liste du jury, de la définition de l'attentat et du système de transaction. Oui, voilà ce qui va occuper la chambre et les journaux pendant les six mois qui vont venir. L’agriculture, le commerce, la navi gation et les chemins do fer s’accommoderont comme ils pour ront. Personne no se doutait que la gêne des populations, l’inquié tude générale des esprits, le malaise du commerce, la détresse des industries, le soulèvement des ouvriers, les faillites qui para lysent les transactions, venaient de ce que l’attentat est défini d’une façon plutôt que d’une autre ; l’avenir ne voudra jamais croire que l’infériorité actuelle du commerce français sur la plu part des marchés de l’Amérique et de l’Asie, infériorité dont nous souffrons tant, et qu'il serait si urgent de faire disparaître, tient à ce que la seconde liste du jury n’est pas fondue dans les listes élec torales ; et les hommes sensés, pratiques et froids, s’imagineront difficilementquesi nos finances sont insuffisantesetnécessitentdes emprunts en temps de paix, si l’association et l’esprit d’entre prise sont si peu sollicités et encouragés, que le gouvernement n’a pas pu trouver, au Havre, une compagnie pour soumissionner...
À propos
Le Globe était un quotidien guizotiste dirigé par Adolphe Granier de Cassagnac, partisan d’une monarchie tempérée par une Constitution et deux chambres. Journal politique défenseur de la Monarchie de Juillet et du suffrage censitaire, il fut publié de 1837 jusqu’à 1845. Cette tribune politique orléaniste sombra peu avant la chute de Guizot, trois ans avant la Révolution de 1848 et la fin de la Monarchie en France.
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