Extrait du journal
PARIS, iti AOUT. Le rapport que M. Dupin a lu aujourd’hui à la chambre des députes ne sera pas du goût de ceux qui voudraient, sur la loi de la régence , une discussion à perte de vue. Ils diront que ce rapport est terre-à-terre , parce qu’il ne se perd pas dans les nuages de la métaphysique politique ; qu’il 11e dit rien, parce qu’il abrège tout ; qu’il ressemble à une consultation d’avocat, parce qu’il ne ressemble pas à une thèse d’idéologue. Son mérite, à nos yeux, est précisément dans ces prétendus défauts que nous prévoyons qu’on lui reprochera. C’est de circonscrire et de lixer la discussion qu’on veut étendre et jeter dans le vague, c’est de sim plifier et d’éclaircir le sujet qu’011 s’applique à surcharger de com plications et d’obscurités. M. Dupin n’a, par exemple, traité qu’à la fin de son travail et com me pour mémoire ce fameux problème du pouvoir constituant que les logiciens de l’anarchie s’amusent à rendre inextricable. Il l’a ré solu par quelque chose de préférable à la logique pure, laquelle n’a boutit dans la situation qu’à l’impuissance absolue ; il l’a résolu comme tous les esprits sincères et nets, par quelques vérités de sens commun. Ainsi, quand bien même il vous plairait d’attribuer à la loi de régence le caractère d’un acte constituant, cet acte tombe rait de toute nécessité dans la compétence du pouvoir législatif, par l’excellente raison qu’il n’y a pas dans lacmAitution un autre pou voir quelconque qui le pût faire. Et, quand une chose est nécessaire à la sûreté de toute une nation, la raison 11e peut pas adhiettre que le droit de la faire n’existe nulle part. C’est le droit et le devoir des pouvoirs existans de pourvoir à ce besoin social. Il est certainement indispensable à la marche de notre gouverne ment, à la sécurité de notre pays que les fonctions du pouvoir royal soient exercées sans un moment d’interruption. Par l’hérédité de la couronne la charte a voulu assurer cette continuité. U y a cepen dant un cas où une vacance aurait lieu dans l’exercice des fonctions delà royauté, c’est le cas d’une minorité royale. Ce cas, la charte 11e l’a pas prévu. Il faut donc que la loi parle. Si cette loi est à vos yeux un complément, de la charte, ce complément en est la consé quence si évidente, il est si conforme à son esprit, si nécessaire à la vie de tout l’ensemble, que les chambres, au patriotisme des quelles le maintien de la charte est confié, sont tenues, en vertu même de leur mission et de leur serment, de faire cet acte cons titutif, qui 11’est qu’un acte conservatoire, d’où il 11e faut donc pas conclure que les chambres pourraient rien retrancher à la charte, parce qu’elles y ajoutent ce,qui la maintient. Le droit de conserver n’implique pas le pouvoir de détruire. Au surplus, le rapport ne prétend pas donner à la loi le caractère d’un article delà Charte. « Ce que nous faisons aujourd'hui, ditil, nos successeurs pourront le faire avec un droit égal. » Mais de ce que la loi reconnaît qu’elle n’a pas l’ambition de la perpétuité, s’ensuit-il qu’elle doit se borner à statuer sut* la circonstance ? Le Courrier français pense qu’en allant au delà de l’éventualité la moins éloignée, elle allée te un air constituant : autant vaudrait di re que la loi d’élection est un acte constituant, sous p.étexte qu’el le ne se restreint pas à régler les conditions de l’élection la plus prochaine. Les journaux dynastiques, qui tout en reconnaissant à la chambre le droit de satisfaire aux exigences de la situation actuel le, veulent néamoins concentrer son action dans les pins étroites li mites, sont probablement préoccupés de l’idée de ne pas trop se brouiller avec la presse radicale qui les effraie toujours un peu, même quand ils rompent avec elle. Mais celte restriction 11e les ré conciliera pas avec cette presse ; elle 11e s’en tient pas, elle, à di minuer les droits du pouvoir législatif ; elle les nie absolument. A ses yeux, le parlement ne peut pas plus statuer pour aujourd’hui qu’il ne peut statuer pour toujours. Or, comme le Courrier français 11e réussira pas sur cette question, même avec ses réserves, à se mettre dans les bonnes grâces des radicaux, autant vaudrait rem plir de bon cœur son rôle de journal dynastique qu’il veut être. M. Dupin a très bien démontré, d’ailleurs, l’inconvénient de pro céder par désignation nominale. 11 a rappelé le danger des longues formalités imaginées par la loi de 91, pour l’élection d’un régent. Ajoutons que les prévisions d’une loi ainsi formulée eussent été évidemment trop incomplètes. Alors que fallait-il faire? Une dispo sition spéciale, mais plus étendue, qui fût successivement applicacable aux quatre fils du roi. Mais c’était le principe même de la loi traduit sous la forme d’un fait. 11 est plus dans les habitudes et dans les convenances du langage législatif de formuler le fait en prin cipe. Ce principe, qui appelle à la régence le prince le plus proche du trône, est au reste si conséquent avec celui de l’hérédité royale, si bien approprié au but auquel tend cette hérédité, qu’il doit* géné ralement parlant, aussi bien l’appliquer aux convenances de l’ave nir qu’à celles de notre temps, sauf le cas d’une exception, celle, par exemple, d’un régent présomptif notoirement incapable ou in digne, exception contre laquelle les législateurs de l’avenir sau raient bien s’armer de leur droit. Quant à notre époque, elle n’a pas ce malheur à craindre, et comme, suivant M. Dupin, on n'a pas vou lu faire un code des régences, on s'est abstenu d’entrer dans les hy pothèses dont la réalisation pour nous n’est nullement à présumer. Il a suffi à M. Dupin de quelques argutnens clairs et péremptoi res pour démontrer la nécessité d’attribuer au régent les prérogati ves attachées à l’exercice des fonctions royales. Il faut que, pour défendre et maintenir intact le dépôt qui lui est confié, le régent ait entre les mains tous les droits du pouvoir qu’il représente. Si non, il pourrait n'avoir plus à rendre au roi majeur qu’une autorité amoindrie par des empiètemens contre lesquels il aurait été sans moyens de résistance. On objecte, il est vrai, que les prérogatives, jointes à l’irresponsabilité, peuvent devenir entre les mains du roi des armes pour 1’usurpation. Il faut remarquer que ces défenseurs ombrageux du roi mineur sout de ceux qui veulent le moins de bien et souhaitent le moins de durée à notre monarchie. Ces gens-là ont une grande peur que le régent 11’absorbe le roi. Ils voudraient dé manteler la régence pour la plus grande sécurité du jeune roi, mais non pas probablement pour celle de la royauté....
À propos
Le Globe était un quotidien guizotiste dirigé par Adolphe Granier de Cassagnac, partisan d’une monarchie tempérée par une Constitution et deux chambres. Journal politique défenseur de la Monarchie de Juillet et du suffrage censitaire, il fut publié de 1837 jusqu’à 1845. Cette tribune politique orléaniste sombra peu avant la chute de Guizot, trois ans avant la Révolution de 1848 et la fin de la Monarchie en France.
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