Extrait du journal

Je m'arrêtai devant cette statue parce qu'elle avait une beauté terrible et singulière. Elle représentait un homme assis, les jambes à demi allongées sous une draperie. -Un mouchoir est noué autour de la tête, autour d'une tête infernale,-avec des yeux fixes et furieux sous un front bossue, des joues creusées, et une bouche aux lèvres tordues et violemment serrées, une bouche implacable. Etrange figure crispée, figure de mégère et de damné, qui a sa noblesse pourtant, et impose une sorte de respectueuse terreur. Joignez à cela que ce personnage a devant lui une étroite planchette sur laquelle sont placées les feuilles d'un manuscrit. Imaginez en outre que le bronze dans lequel on a-coulé cette statue est le bronze le plus noir et le plus funéraire qui se puisse voir, et vous vous expliquerez que je me tins arrêté un long moment, regardant ce monument avec un stupide étonnement. Quel est, me dis-je, ce personnage .qui ressemble si peu à M. le baron Taylor, dont l'effigie correcte fut récemment dressée sur le boulevard ? Ne serait-ce point Eaque, ou Minos, ou encore Rhadamante, les juges infernaux ? Mais non Ces noires divinités inscrivent leurs définitifs arrêt sur des tables d'airain, et non sur une feuille de papier placée sur une planchette. Quel peut bien être cet homme terrible, qui semble rêver' des rêves farouches et sanglants ?...