Extrait du journal

La lune d'abord, notre mélancolique voisine,! vraiment responsable ûè tous les faits, méfaits, bienfaits et forfaits que lui attribuent les dictons populaires ? La lune « mange les nuages p, dit-on. Mais les statistiques météorologiques, qui relèvent quotidien nernent et heure par heure l'étendue du ciel couverte de nuées, la « nébulosité », comme on dit, ne décèle pas la moindre relation entre celle-ci et les phases lunai,res. Si pourtant on veut chercher la cause du dicton, car il n'y a pas d'erreur qui ne contienne un petit grain de vérité, on. pourra, je crois, l'expliquer ainsi quand brille la lune dans un ciel couvert, les nuages qui se trouvent entre ejle et nous paraissent plus légers, et de noirs ou opaques qu'ils étaient lorsqu'ils étaient en un autre point du ciel, ils paraissent devenus transparents et se dissiper en passant sur la lune. Il n'y a rien là de mystérieux si vous regardez une feuille de papier posée sur une table et que vous l'interposiez ensuite entre votre oeil et le soleil, elle paraîtra plus mince parce que traversée par une vive lumière. En déduira-t-on que le soleil « mange » le papier ? Dans presque toutes les opinions relatives à une influence météorologique de la lune, il y a ainsi un lait bien observé et mal interprété. ,C'est.ce que j'ai montré en particulier ici même pour le préjugé de la « lune rousse Pourtant certaines de ces opinions ne reposent même pas sur des faits constatés telle est la prétendue action que la nouvelle lune est censée avoir sur le changement de temps ou sur la pluie. Quand on s'adresse aux statistiques, on constate que les mêmes phases lunaires correspondent non seulement en des lieux différents, mais en un même lieu, à des changements de temps dont le sens varie indifféremment avec les lunaisons. Quant au fait même que le «changement .de temps aurait lieu à telle où telle phase 'lunaire, il n'a rien d'étonnant étant donné d'une part que le temps change en général au moins une fois par semaine dans nos régions, et d'autre part que les personnes qui croient voir de ces coïncidences se donnent toujours deux ou trois jours de marge de part et d'autre de la phase lunaire considérée, ce qui correspond précisément à une semaine. Quant à la fameuse loi de Bugeaud, dont on a beaucoup parlé ces derniers temps et qui sera bientôt, si cela continueT aussr légendaire que sa casquette, il n'y a pas lieu de l'expliquer, car elle exprime un fait inexact, comme le prouvent les statistiques météorologiques, et n'ajoutera rien à la gloire du maréchal. La seule influence appréciable de la lune sur l'atmosphère est la légère marée aérienne que produit son attraction dont l'amplitude diurne a pour -effet de faire varier le baromètre à mercure de moins de 1 dixième de millimètre. Et le soleil ? Le soleil, pardieu, agit évidemment sur le temps, puisque c'est lui qui cause les saisons, les jours et les nuits, le froid et le chaud selon notre position par rapport à lui, puisque c'est lui qui, en définitive, provoque la. pluie en évaporant l'eau des océans. Mais cela ne veut pas dire que s'il pfeut demain matin à Paris tandis qu'il fait grand soleil à Melun, ia cause en est une perturbation solaire. Le soleil a une action d'ensemble sur l'atmosphère, mais l'état local de celle-ci dépend de circonstances locales et non' solaires, n'est vrai que le soleil et surtout ses taches ont bon dos l'an dernier, on leur attribua la sécheresse on avait oublié qu'il avait fait très humide dans d'autres parties du monde, en Asie notamment. Cette armée, c'est le contraire l'été a été frais en 'France, très chaud en d'autres régions, et certains évoquent de nouveau le minimum des taches solaires. Celles-ci seraient donc, comme le sabre de M. Prudhomme, capables de provoquer la pluie ou au besoin de l'empêcher. Avant d'attribuer à des causes cosmiques telle ou telle perturbation de la température, assurons-nous d'abord, ce qu'on néglige toujours de faire, qu'elle est générale sur tout le globe. Alors on pourra légitimement invoquer des influences extra-terrestres et astrales. Sinon, aller chercher des causes sidérales aux petites oscillations du baromètre de notre village, alors que celui du village voisin marque tout autre chose, c'est si j'ose employer un élégant néologisme récemment infligé à la langue de Voltaire faire preuve d'une mentalité h arrondissementière ». Cela peut être III Charles Nordmaan,...