Extrait du journal

CAUSERIES DU DOCTEUR • « Dis-moi ce que tu mangés, ai je te 'dirai qui tù es », a dit Brillât-Savarin. Est-ce Brillât-Savarin qui a dit cela? Peu importe. Encore faut-il être exactement renseigné sur les aliments du de ̃cufus pour ne pas en tirer un horoscope, qui fasse mentir le proverbe. Longtemps, nous avons tenu les Chinois pourun peuple étrange, fantastique et grotesque, dont lesexemplaires sont» bons tout a.i plus. à figurer sur des paravents. Pourquoi ? Parce que, sur la foi des voyageurs, nous nous représentions les « Fils du Ciel » comme faisant leur ordinaire de nids d'hirondelles, d'ailerons da requins, de vers blancs et de chiens farcis. Mais vous représentez-vous le citoyen français se; nourrissant exclusivement de truffes et de foies gras ? Les nids d'hirondelles sont les truffes » des Chinois. Je ne sais si un mandarin soupe chaque soir d'un chien farci, après avoir déjeuné le matin d'un nid d'hirondelles; mais on peut supposer à bon droit que le vulgum pecus ne fait pas de ces mets dits « nationaux sa pitance habituelle. Un médecin -de la mariné qui, pendant de longues années, a mangé de la « popote » chinoise, le docteur Brunet, nous fournit, dans un travail soigneusement, documenté, des notions plus justes sur le régime alimentaire des 400 millions d'habitants qui peuplent les vallées du fleuve Bleu et du fleuve Jaune. Ce n'est pas que certaines habitudes gastronomiques ne gardent encore, à nos yeux de o barbares d'Oçcident n, une allure un peu. chinoise. L'idée de croquer, en, manière de « frites »,des sauterelles grillées ou de se délecter d'un salmis de serpents n'a rien qui nous séduise. Mais nous faisons bien aux escargots et aux grenouilles l'honneur que les Chinois accordent aux sauterelles et aux couleuvres, et, quand on ne recule pas devant une bécasse « à point. » ou devant chertains fromages aux parfums plutôt asphyxiants, on n'est guère autorisé à reprocher aux autres de préférer les oeufs pourris aux oeufs frais....