Extrait du journal
CALME VIGILANCE FERMETE par Léon BLIIM N a vraiment peine à suivre les démarches des dictateurs. ÏS 55 Du jour au lendemain, d’une heure à l’autre, on voit changer l’atmosphère qu’ils développent autour d eux. Ils se disent résolus à marcher inflexiblement dans leur voie, quelles que soient les conséquences, quels que soient les risques, et voilà que tout à coup leur propagande insinue des « rumeurs apai santes », suggère des « entremises », laisse prévoir des « médiations ». On les croit enclins à la conversation, peut-être à l’entente, et voilà que tout à coup leur presse entre en bataille, repousse tout projet, toute idée de conciliation comme le plus cruel outrage à l'honneur allemand. Est-ce un épisode de la fameuse « guerre des nerfs ? » Faut-il penser que par ce jeu concerté de revirements, de sautes, d’alter nances brusquées, la propagande et la presse totalitaires comptent désorienter et diviser les gouvernements et les opinions démocrati ques ? Si c’était cela, les dictateurs se seraient trompés du tout au tout dans leurs calculs. Peut-être même une des causes de la tran quillité et du détachement de l’opinion en France est-elle précisément qu’on finit par ne plus attacher grande importance à des démarches aussitôt reprises, à des nouvelles aussitôt contredites. Mais, pour ma part, je ne suis pas si sûr que ce régime de douches écossaises ré ponde uniquement à un calcul. Je crois qu’il trahit plutôt — ou qu’il trahit aussi — l’hésitation des dictateurs qui n’ont pas pris leur parti tet qui peuvent par conséquent s’arrêter encore. Il semble acquis, aujourd’hui, que le voyage du haut-commis saire Burckhardt à Berchtesgaden est le résultat d’une initiative allemande. Ce n’est pas Hitler en personne qui a fait l’invitation, mais c’est Forster le chef des nazis de Dantzig qui a suggéré la visite. Si Hitler a fait venir le docteur Burckhardt, s’il a daigné faire appel ià un représentant de cette S. D. N. pour laquelle il ne nourrit que mépris et haine, c’est apparemment qu’il avait en tête quelque inten tion importante. Pourtant, il semble également acquis que le docteur Burckhardt n’a pas été chargé d’une mission positive, que le Führer tae lui a confié aucun plan, aucune proposition précise. C’est là l’indice apparent d’un trouble. Ce qui s'est passé au sujet du projet de conférence à quatre me paraît encore plus significatif. Les premiers bruits sont venus de Berlin. Ils étaient marqués d’une extrême confusion, parce qu’on ne pouvait pas savoir exacte ment s’il s’agissait d’une conversation limitée à l’affaire de Dantzig eu d’une négociation générale et que les mêmes dépêches contenaient à cet égard des indications contradictoires. Mais s’il s’était agi seule ment de désorienter et de diviser l’opinion, n’est-il pas vraisemblable que la presse allemande aurait insisté ? Elle aurait même laissé entrevoir que la conférence à quatre pourrait s’étendre, s’élargir après les premiers contacts. Car le projet d’une conférence générale au double point de vue des participations et du programme aurait alors trouvé une résonance certaine dans une partie de l’opinion française. Mais avant que le moindre éclaircissement eût été fourni, la presse allemande a tourné casaque. Elle s’est répandue en sarcasmes indignés contre les naïfs ou contre les fourbes qui feignaient de croire soit à la possibilité d’une transaction particulière entre le Reich et la Pologne, soit à 1 effica cité d’une conférence générale... La presse allemande n est qu un reflet de la pensée du maître. J’en conclus que la lueur qu’elle reflète est encore incertaine et vacillante. Je persiste donc à penser que rien n’est perdu, que les dés ne sont pas jetés, que l’arrêt des dictateurs est toujours possible, que la raison peut toujours prévaloir, ...et la raison c’est la paix. Mais bien entendu, il ne subsiste de chances de paix que dans la mesure où les dictateurs auront pris conscience du risque de la guerre. La consigne reste donc toujours la même : calme, vigilance, fermeté....
À propos
Lancé en 1908 sous le patronnage d'A. Bedouce, député SFIO, Le Midi socialiste était un quotidien de gauche édité à Toulouse. En 1910, Vincent Auriol en devient le rédacteur en chef. Malgré ses vélléités de grand quotidien régional, Le Midi socialiste se vendait essentiellement dans Toulouse même, où son tirage était par ailleurs relativement faible.
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