Extrait du journal

moi, nous avons trouvé dans notre intérieur le secret de la véritable affection terrestre... — Comment cela ? — Dieu, qui a richement coordonné chaque chose ici-bas, a placé sur la longue route du bon heur un point d’arrêt qui repousse la satiété et développe davantage encore les douces émotions qui sont la conséquence de l’amour... — Vous êtes philosophe, chevalier, dit la reine, et vous mettez en pratique ce proverbe des temps anciens : « Il n’v a d’illusions que celles qu’on se crée. » — Non, madame ; je ne suis qu’un pauvre mortel, heureux de ce que Dieu lui a donné... — Expliquez-vous... — A l’amour qui peut s’éteindre, Dieu a laissé, comme ancre de salut, un foyer puissant de lu mière. Le trait d’union qui sans cesse rapproche les époux dans la carrière qu’ils ont à parcourir, c’est... Jean s’arrêta; il craignait de blesser la reine. — C’est... ? demanda Anne de Bretagne avec curiosité. — C’est la maternité ! acheva Jean presqu’à voix basse. La reine sentit son cœur se serrer ; des larmes parurent dans ses yeux. Toute son affection pas sée pour Louis XII se retraça en tableau sombre dans son esprit ; un regret immense envahit son être. — Maternité ! pensa-t-elle, pour moi ne serastu donc jamais qu’un vain mot !... Ce regret était d’autant plus poignant qu’il était d’une incontestable réalité, et que jamais le cou ple royal ne devait recevoir les caresses d’une postérité aimée. On comprendra, d’après cela, combien LouisXII et Anne de Bretagne devaient haïr secrètement leur neveu, le comte d’Angoulême, seul héritier...