Extrait du journal

DES lettres et des rapports nous arrivent d'un peu partout, signalant une t sorte d'atonie parmi les jeunes gens non encore astreints aux obligations militaires. Certains vont même jusqu'à nous affirmer que fort nombreux sont les adolescents parlant de leur avenir absolument comme si la guerre n'existait pas ou était déjà terminée. d m LA France de 1939-40 ne saurait être comparée à la France de 1914. Voici vingt-cinq ans, le pays tout entier s'est rué alertement, presque tumultueusement aux frontières. Il y avait invasion et le péril était visible, tangible. On ne mesurait pas les horreurs de la bataille moderne. Beaucoup croyaient à un conflit de brève durée. Il n'en a pas été de même au mois de. septembre dernier. Les souvenirs sanglants des deux Marnes, de Verdun, de la Somme étaient trop présents pour laisser quelque illusion sur les sacrifices probables. Le souvenir proche des cinq années terribles faisait envisager des hostilités sans fin. L'hypothèse d'attaques aériennes contre les populations, l'extinction des villes, ajoutaient une mise en scène impressionnante. C'est dans de telles conditions que les adolescents ont abordé le temps de guerre. Puis les jours se sont succédé. Pas encore de rencontres mas sives aux confins de notre territoire; pas encore de bombardements par avions. La « drôle de guerre ». N'ayant point connu les bruyants sursauts chers à leur âge, nos jeunes gens, sont, tout naturellement, passés du silence à une sorte de sommeil....