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Le Petit Marseillais, 5 août 1882

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Le Petit Marseillais
5 août 1882


Extrait du journal

Un cabinet d’affaires ! Voilà deux mots qui sonnent mal à l'oreille depuis quelques années ; d’abord, parce que rien n’est plus difficile à définir qu’un cabinet d’affaires ; ensuite, parce qu’à une époque qui n’est pas bien loin de nous, on faisait du « cabinet d’affaires » le suprême expédient pour mas quer, aux yeux des républicains, les visées monarchiques du gouvernement, et pour masquer, aux yeux des monarchistes, les exigences de la constitution républicaine. Qu’est-ce qu’un cabinet d’affaires ? C’est un cabinet dans lequel on fait le moins de politique possible, dans lequel on renonce à toute initiative, dans lequel on expédie les affaires, dans lequel on n’encourt aucune responsabilité, dont le principal caractère, en un mot. est de n’en point avoir. Voilà le cabinet qui serait, à ce qu’assurent nos cor respondants aussi bien que la presse pari sienne, à la veille de succéder au ministère Fieycinet. Bizarre conception et que justifie seule l’inextricable difficulté dans laquelle se trouve M. le président de la République de trouver des hommes politiques nouveaux et de former un cabinet qui ne soit ni gambettiste, ni freycinetiste, ni aux ordres de M. Clémenceau. Sans tenir compte, en effet, des souvenirs peu avantageux qu’ont laissé les cabinets d'affaires présidés par M. de Cissey ou par M. de Rochebouët, on ne voit pas trop com ment un ministère, même composé de spé cialistes, pourra se maintenir dans le cercle restreint des affaires et s’abstenir de tout acte politique. Si cependant un tel ministère peut être formé, quelle que soit sa bonne volonté de ne rien faire, encore faudra-t-il que les circonstances ne l’obligent pas à faire quelque chose. Il faudra surtout que la Chambre se contente de ce cabinet et veuille bien ne pas le mettre sur la sellette, aujourd’hui, parce qu’il n’aura rien fait; de main, parce qu'il aura fait quelque chose. Il faudra qu’elle accepte cette violation des rè gles parlementaires, qui consiste non seule ment dans la suppression de la responsabi lité ministérielle, mais qui, par cela même, fait remonter la responsabilité des actes du gouvernement jusqu'au président de la Ré publique. Il est vrai que les vacances parlementaires vont commencer, et que l’on compte beau coup sur ces vacances pour distraire les députés des interpellations, des votes à sur prises, des préoccupations extérieures, etc.; elles laisseront aux ministres le temps de s’occuper des petites affaires du pays et leur permettrontd’ajourner les grosses affaires ; elles donneront enfin aux esprits le temps de se calmer, de revenir à des idées plus con formes au bon sens et au patriotisme. Mais encore faut-il arriver aux vacances et faut-il que le cabinet ne soit pas renversé le len demain de sa nomination. Si cependant il franchit cet écueil, nous voulons bien croire que nous aurons au moins trois mois de répit et de repos. Mais à la rentrée il faudra, par la force des cho ses, revenir aux vraies traditions parlemen taires et trouver ou un ministère dont les tendances soient en harmonie avec celles de la majorité, ou une majorité dont les tendances puissent s’harmoniser avec celles d’un ministère quelconque. En attendant, nous allons vivre au jour le jour, « nous recueillant », suivant l’expression que l’on se plait à employer depuis le vote de samedi. Cette situation, on l’avouera, ne laisse pas que d’être assez singulière, au bout de douze ans de régime parlementaire, alors que l’on croyait être enfin arrivé à cette période, de puis si longtemps promise, « du fonctionnementrégulier des institutions républicaines.» Jusqu’ici, il n’y avait ni à s’étonner, ni à s’alarmer des crises plus ou moins violentes que traversait le régime républicain ; on était dans une période de transformation et de transition ; c’était toute une nouvelle machine qu’il fallait monter et mettre en marche, au lieu et place d’une vieille ma chine qui venait de se détraquer. Mais, au jourd’hui, les tâtonnements, les essais, les expériences du début, devraient être termi nés, et, tout en reconnaissant qu’aucun gou vernement ne peut marcher sans encombre, du moins des accrocs du genre de celui au quel nous venons d'assister, ne devraient plus se produire. Il faut donc qu’il y ait en core dans la machine un rouage fonction nant mal et ayant besoin,soit d’être changé, soit d’être modifié. Ce rouage, on l’a dit depuis longtemps, et nous n’avons jamais manqué une occasion d’en signaler les défectuosités, est le mode de recrutement de la Chambre des députés. N’est-ce pas, en effet, le scrutin d’arrondis sement qui est la cause première de la crise actuelle? C’est lui qui, en nous donnant une Chambre, dont chaque membre est plus préoccupé d’intérêts locaux et électoraux que des grands intérêts généraux du pays, noua a privés d’une majorité parlementaire...

À propos

Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.

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