Extrait du journal

corridas demeuraient sans intérêt sous le ciel bas de Paris. Il manquait tout ce qui fait l’attrait de ces spectacles : le frémisse ment de la foule, sa participation à ces Jeux violents, l’enthousiasme. J’ai peur que, avec les meilleures inten tions du monde, ces fêtes provinciales ne perdent presque toute leur saveur à Paris, sur la scène qu’on leur destine. Et c’est pré cisément parce qu’elles auront lieu sur une « scène », au lieu d’être données librement, spontanément comme elles le sont dans les pays où elles sont nées. Elles auront tou jours quelque chose d’apprêté; il leur man quera la sincérité. Un décor ne remplacera pas la vraie nature à laquelle elles sont inti mement liées et l’indispensable communion du sol. Ce sera froid, mesquin, si ce n’est pas, parfois, caricatural. En tout cas, mal gré l’exactitude matérielle des détails,ce ne sera Jamais la réalité, cette réalité étant laite aussi d’éléments moraux. Si, à première vue, l’idée a pu paraître tentante, j’estime donc que l’épreuve est plutôt dangereuse. Il y a peut-être une espèce de pudeur qu’il faudrait garder,pour ne pas « galvauder » ces choses touchantes de terroir en les étalant dans ce grand Paris qui, forcément, ne peut pas les comprendre. Elles sont délicieuses quand elles restent à leur place, mais là seulement. Et, en m’ex primant ainsi,moi qui en ai le culte attendri, peut-être est-ce que Je montre plus de piété sincère à leur égard que ceux qui les veulent exposer brutalement dans un milieu pour lequel elles ne sont point faites... PAUL GINISTY....