Extrait du journal

Sous Paris, étranglé dans un cercle de fer, Si l’on se battait ferme en ce tragique hiver, Entre-temps, d'un feu morne on ravivait la braise, Pour rigoler un brin; car la gaîté française, Au bivouac comme ailleurs, jamais ne perd ses droits. Un jour, — il s’agissait de festoyer les Rois, — Un superbe gâteau, d’affriolante mine, Pétri... le diable sait avec quelle farine, Avec tous les honneurs allait être enfourné, Lorsque, avisa quelqu'un : « Qui sera couronné?... « Vous oubliez, messieurs, le piquant, la surprise, « Condiment obligé d’une galette exquise : ' « La fève I... —• Y songez-vous ?... Où la prendre [vraiment ?... » A peine avait-on dit qu’un aigre sifflement Se fit entendre, et dans un vieux pan de muraille, Que par miracle avait épargné la mitraille, S'aplatit une balle... Un vieux sergent soudain S'élance, et s'emparant de l'homicide engin, S'écrie avec orgueil : « Amis, voici la fève !... » A ces mots, un vivat formidable s'élève I Et l’avant-poste alors, —ah! ce ne fut pas longl — Tira les Rois avec une balle de plomb... Un caporal fut roi, pendant que dans la plaine, Du canon de nos forts grondait la voix lointaine... Plus tard, l’heureux troupier de la fève honoré Etait à Buzenval blessé... mais décoré ! HIPPOLYTE MATABON....