Extrait du journal

bien que mon cousin est un véritable cen taure. Sa monture et lui ne font qu’un. — Je le sais, et pourtant je tremble mal gré moi... La comtesse s’interrompit en poussant un cri. Annibal voulait amenerKêDir au pied du balcon pour envoyer à sa femme un der nier baiser, à Olympe et à Saint-Maixent un dernier sourire ; mais l’étalon se révol tait, tantôt se dérobant avec la rapidité de ia foudre, tantôt, se dressant sur ses jarrets d’acier en secouant sa longue crinière, tantôt enfin lançant des ruades avec une si prodigieuse violence qu’on eut dit qu’il voulait détacher sa croupe de son avanttrain. Cette lutte dura quelques secondes, qui semblèrent bien longues à la comtesse dont Je visage décomposé se cachait entre ses mains tremblantes. Mais l’adresse et surtout la volonté de l’homme devaient tviompherdela farouche obstination du cheval. L'étalon s’avoua vaincu, et, frémissant encore, souillant le feu par ses naseaux, il obéit à la double pression du mors et du genou, et vint se ranger, docile, contre la muraille. Saint-Maixent applaudit et cria bravo. La comtesse écarta ses petites mains et regarda son mari, lier et campé comme une statue équestre sur IieDir immobile. — Annibal. Annibal, — murmura-t-elle d'une voix suppliante,— je vous en prie, ne sortez pas avec ce cheval. — Pourquoi cela, chère femme ? — C’est un démon. M. de Ralion eut un joyeux éclat de rire. — Lui, le brave KêDir, un démon ! — ré pliqua-t-il.— Ah ! Marie, vous le calomniez. Le sang noble, le sang quasi royal qui coule dans ses veines lui donne par instant, il est vrai, des velléités d’indépendance, mais au...