Extrait du journal

appeler les temps fabuleux du nobiliaire provençal. Malgré ces grandes origines, le baron Mathieu de Colobriôres n’était rien moins qu’un opulent seigneur. Il avait pour armoirie un chardon do sinople sortant d’une tour fenestrée et maçonnée de sable, et l’on pouvait affirmer que c’étaient là des armes parlantes, car les terres de la baron nie étaient d’une stérilité passée en pro verbe dans la contrée, où l’on disait en manière de dicton : « A Colobriôres, gerbes do chardons et champs do pierres. » Les ancêtres du baron ayant aliéné peu à peu tous leurs droits seigneuriaux, il ne lui res tait rien quo le manoir et les terres adja centes, dont lo revenu était des plus min ces. Pas un seul dos manants, qui tiraient leur chapeau en passant devant l’écusson seigneurial sculpté sur la porte du château, n’aurait voulu prendre à ferme la baronnie. Lo pauvre seigneur de Colobriôres avait épousé une jeune demoiselle aussi noble et encore plus pauvre que lui, laquelle lui apporta pour toute dot et fortune la valeur d’une centaine d’écus en bagues et joyaux. Le ciel bénit surabondamment cette union. En quelques années, il en naquit quatorze enfants. Cette nombreuse lignée s’éleva vé ritablement à la grâce de Dieu. Les revenus du fief de colobriôres fournissaient à peine le pain quotidien ; quant au reste, il fallait y suppléer à force d’industrie et d’écono mie. La baronne n’avait Jamais eu d’autre robe neuve que sa robe de noces; elle s'ha billait, ainsi que ses enfants, avec les vieil les étoffes qui garnissaient jadis les lits du château. Les petits gentilshommes usèrent de cette façon les tapisseries héréditaires, et les demoiselles portèrent, taillés en jupes...